Etienne de La Boétie est né le 1er novembre 1530 à Sarlat et mort en 1563. Son renom s'attache à un écrit qu'il aurait composé vers dix-huit ans, un texte que l'on connaît sous le nom de Discours de la servitude volontaire. La servitude volontaire est une expression paradoxale qui vise à montrer les rouages de la survie politique du tyran ; elle tend à constater l'incompréhensible fait qu'un être, né pour être libre, décide consciemment de s'asservir au tyran. La question à laquelle le concept de servitude volontaire apporte une réponse est de savoir comment il est possible que tant d'hommes endurent un tyran qui n'a de pouvoir que celui qu'ils lui accordent. En d'autres termes, La Boétie veut comprendre comment il peut se faire qu'un peuple entier puisse préférer le joug de la tyrannie d'un seul homme à la liberté, préférant souffrir que de le contredire. Son Discours, pertinent depuis plus de quatre siècles, ne cesse de gagner en importance en raison du désarroi de notre époque, où le sort des individus relève plus d'une détermination personnelle plus que d'un pouvoir souverain ou d'instances providentielles. Et c'est en ce sens que m'est venue l'idée de le rapprocher du presqu'autant controversé Eichmann à Jérusalem écrit par Hannah Arendt, sur qui je vais vous dire quelques mots (...)
[...] Hannah Arendt le résume bien lorsque, dans Pensée et considérations morales, elle déclare : Quelques monstrueuses que fussent ses actions, l'agent n'était ni monstrueux ni démoniaque Au contraire, durant son procès, l'accusation en a fait un homme obsédé par un désir dangereux et insatiable de tuer avec une personnalité perverse et sadique L'erreur faite est que les acteurs du procès ne semblent pas avoir saisi ce qui se passait. En effet, ils l'ont jugé selon les normes traditionnelles que l'on a pour le mal. [...]
[...] Hannah Arendt et le mal absolu Je commencerai ici à partir du mal radical pour rapprocher la servitude volontaire et la banalité du mal par leurs perversions. J'irai ensuite vers un mal absolu car un mal sans limite, celui-ci engendré par une absence de pensée. i. Un mal pervers sans pensée, ni limites 1. Le mal radical comme processus d'anéantissement pervers Le mal radical vient à la base de La religion dans les limites de la simple raison. Kant part de l'incontestabilité indémontrable du mal pour expliquer ensuite que grâce à notre libre-arbitre, notre nature a une disposition originelle au bien mais également au mal. [...]
[...] La banalité du mal permet de comprendre cela, mais nous y reviendrons plus précisément bientôt. Cette normalité presque décevante se retrouve dans la retranscription d'un interrogatoire d'Avner Less sur Eichmann, que l'on retrouve dans Le procès Eichmann d'Annette Wieviorka. Il y dit ceci : Lorsque Eichmann fut conduit devant moi, je fus déçu. On s'attendait au fond à découvrir une sorte de monstre, vu les faits inhumains qui lui étaient attribués. Or, il n'y avait rien de diabolique dans sa personne. [...]
[...] Mais Jésus ne nous dit pas quelle est la nature de ces crimes honteux Tout ce que l'on peut dire, pour Arendt, à propos de ce mal responsable d'une horreur indicible, c'est qu'il n'aurait pas dû arriver, qu'aucune dialectique ne saurait le justifier. A partir de ce moment-là, nous pouvons établir la distinction entre les fautes pardonnables, qui sont des transgressions traditionnelles et les fautes impardonnables, celles dont on peut dire que qui les a commises n'aurait jamais dû naître Arendt rapproche cette distinction à celle faite par Jésus de Nazareth entre les transgressions que je suis supposé pardonner sept fois par jour et les autres pour lesquelles il aurait mieux valu pour lui qu'on lui attache une pierre au cou et qu'on le jette à la mer Arendt relève alors deux informations significatives ; la première est que c'est le terme skandalon qui est utilisé pour faute ; cette notion est définie par Arendt comme un piège tendu à ses ennemis et qui est utilisé comme équivalent au mot pierre d'achoppement Cela appuie le fait que ces skandalon ne peuvent être oubliés ou pardonnés comme de simples transgressions. [...]
[...] Par un anéantissement de la nature humaine. Je vais revenir brièvement sur cet anéantissement et plus longuement sur les raisons pour lesquels il peut constituer un mal absolu. Si la nature humaine consiste à faire de l'homme quelqu'un de franc qui veut être libre, le problème est que sa nature le fait également tenir le pli que la nourriture lui donne Si cet anéantissement peut être vu comme quelque chose de pervers, c'est en raison du fait que les peuples sont insensés et aveugles, si bien qu'ils ne voient pas que celui qui les gouverne n'est rien sans eux. [...]
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