Lorsque parait en 1940, An Inquiry into Meaning and truth, Russell a déjà parcouru une importante partie de son cheminement philosophique à travers une dizaine d'ouvrages publiés, dont le célèbre Principia Mathematica en collaboration avec Whitehead. Le présent texte est issu d'une série de conférences données à Oxford, Chicago, et Harvard entre 1938 et 1940. Cet intervalle de temps nous laisse à penser que l'ouvrage a eu l'occasion d'évoluer au gré des rencontres mais l'idée majeure reste de traiter certains problèmes posés par la connaissance empirique en les confrontant à des considérations linguistiques. Et plus encore, de s'appuyer sur les lois de la logique classique pour définir et régler des questions de la philosophie de la connaissance. Autrement dit, comme le présente Russell dans son introduction, il s'agit de comprendre comment la vérité d'une proposition peut être garantie par une preuve empirique. Il est donc question d'étudier le rapport entre les propositions et les expériences qui nous donnent une raison de les accepter. Le rôle du philosophe n'est plus d'élaborer des doctrines philosophiques mais d'analyser les énoncés pour faire apercevoir leur signification véritable, ou leur absence de signification. Le sujet impose de confronter des événements linguistiques (tels qu'une proposition) à des événements non-linguistiques (un fait réel) et de se demander ce qui rend les propositions empiriques vraies. Cette problématique s'inscrit dans une approche plus globale de la théorie de la connaissance débutée dans Les problèmes philosophiques et qui s'interrogeait ainsi : existe-t-il au monde une connaissance dont la certitude soit-elle qu'aucun homme raisonnable ne puisse la mettre en doute ? Afin de comprendre les enjeux du sujet, il faut rappeler dans quel contexte se situe le débat. Au sein de sa préface, Russell présente son livre comme « le fruit d'un effort pour opérer un rapprochement entre une conception générale apparentée à celle de Hume et certaines méthodes issues de la logique moderne », il veut donc opérer un rapprochement entre l'empirisme de Hume et son analyse du langage, et les principes logiques. De plus, il revendique une proximité de pensée avec les positivistes logiques. En effet, on retrouve dans la construction même de l'ouvrage des buts communs. Tout d'abord, une définition des termes du langage tels que mots et phrases, ainsi que leur correspondance avec l'expérience, puis, une véritable analyse du langage, et la mise en avant de l'existence d'un langage-objet, où chaque mot renvoie à un objet simple, ce qui n'est pas sans rappeler Hume et sa volonté de diviser les idées complexes en leurs parties les plus simples, lesquelles ne peuvent plus être analysées et correspondent à des impressions simples. Par la suite, Russell développe un aspect purement logique, avec une présentation des « mots logiques » qui permettent de distinguer langage-objet et langage secondaire, cette question est plus technique et fait moins référence au problème du rapport entre les phrases et les expériences. Enfin, après avoir analysé le langage et son rapport aux expériences, Russell peut parvenir à une théorie de la vérité qui s'insère elle-même dans la philosophie de la connaissance. Parvenu à cette dernière partie, l'auteur, en vertu de ses découvertes sur le langage et sur la vérité, peut envisager une ultime question, chère aux positivistes-logiques, qui est de savoir si la logique fournit une base aux énoncés métaphysiques. C'est sur ce point que Russell se détache quelque peu de ce courant de pensée en déclarant que cette perspective ne serait pas impossible. En effet, les positivistes-logiques ont cherché à démontrer l'impossibilité de la métaphysique spéculative dont les énoncés sont pour eux, dénués de signification. Russell minimise la portée de la syntaxe considérée en elle-même, et donc renonce à une approche purement logique, pour rappeler la théorie de la vérité-correspondance développée un peu plus tôt. La finalité de l'ouvrage est donc de redonner un sens aux liens qui existent entre langage et faits réels, entre faits linguistiques et faits non verbaux. Sur ce point, il se distingue donc des positivistes-logiques et parvient à ce qu'il souhaitait dans sa préface, à savoir, rapprocher Hume et la logique moderne en montrant que le langage est un phénomène empirique et que l'étude de la syntaxe peut nous permettre d'acquérir des connaissances concernant la structure du monde. On comprend ainsi pourquoi Signification et vérité s'inscrit si justement dans la théorie de la connaissance, mais pour mieux saisir son cheminement de pensée nous avons décidé de nous intéresser de plus prés à son analyse du langage et plus particulièrement à sa définition du langage-objet. Que peut nous apporter le langage-objet et pourquoi est-il nécessaire ? Quels critères le distingue d'un autre type de langage et quel est ce dernier ? Est-ce que le langage courant souffre de cette distinction ou concerne-t-elle seulement les logiciens ? C'est à ce type de questions que nous tenterons de répondre dans cette seconde partie.
[...] La suite du texte permet à Russell de récapituler les différentes idées abordées jusqu'ici. Nous ne prendrons pas le risque de nous répéter mais nous signalerons simplement qu'à l'habitude, l'auteur ajoute la virtuosité musculaire Cette virtuosité, nous l'avons en commun avec les animaux, les perroquets notamment mais ce qui nous permet de nous distinguer, c'est l'effet des sons produits sur ceux qui nous entourent. Le langage est donc avant tout un phénomène comportemental et c'est ces différents comportements qui vont nous aider à acquérir le langage-objet. [...]
[...] La négation n'est pas le témoin d'une expérience sensorielle mais d'une réflexion. Il procède de la même manière avec tous et quelque tous parce que cela implique un jugement et quelque parce que bien que plus proche de la perception, il témoigne d'une connaissance plus approfondie du langage. De même pour vérité et fausseté, ce cas a déjà été suffisamment développé mais contentons-nous de dire que les mots en eux-mêmes ne sont ni vrais, ni faux, c'est selon qu'ils correspondent plus ou moins à une situation qu'ils le sont. [...]
[...] Russell raisonne simplement et commence par les mots en général. Lorsque nous sommes adultes et que nous disposons déjà d'un certain nombre de mots, si nous rencontrons un mot qui nous est inconnu, nous allons ouvrir un dictionnaire. Ce dernier, au travers d'une définition faite à l'aide de mots dont nous connaissons déjà la signification Il s'agit là d'une définition verbale, essentielle pour parfaire notre connaissance. Le problème de ce type de définition, c'est qu'elle suppose que nous connaissions préalablement d'autres mots. [...]
[...] Compréhension et prononciation sont les deux étapes clés mais ces étapes ne sont pas réservées à l'apprentissage des mots-objets, par exemple on peut imaginer qu'on retrouve les mêmes étapes dans l'apprentissage de la négation, pourtant considérée comme métalangage. Russell va justement détailler ces étapes en ayant recours à des exemples. Pour expliquer la première phase, à savoir la compréhension d'un mot en présence de l'objet, l'auteur prend l'image du chien qui agit d'une certaine manière lorsqu'il entend un certain type de mot. En fait, on retrouve en quelque sorte l'idée du signe développé dans l'introduction. L'animal se comporte différemment selon qu'il y a un stimulus ou qu'il n'y en ait pas. [...]
[...] D'autres types de mots vont être exclus à cette occasion du langage-objet. En passant par la description de ce qu'il appelle le langage ordinaire, Russell ne fait plus état des mots logiques mais des mots syntaxiques. La syntaxe précise le vocabulaire de la langue ainsi que les règles de formations permettant de créer des expressions bien formées à partir de ce vocabulaire. Parmi ces mots syntaxiques, il évoque les plus problématiques comme est et plus que . Il explique que de tels termes n'ont rien à faire dans le langage logique qui se caractérise par la symbolisation. [...]
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