Le début du XXe siècle est une époque imbibée de scientisme et de positivisme. Bergson préfère à ces deux courants de pensée une philosophie spiritualiste : pour lui, la réalité est irréductible au corps et à la matière. L'intuition serait le seul moyen de connaissance de la durée et de la vie, et non l'intelligence. Sans doute l'aspect original de la philosophie bergsonienne a-t-elle contribué à son succès.
Ce texte, extrait de son oeuvre Le rire de 1904, illustre parfaitement la philosophie de Bergson. Elle concerne entre autres l'aspect nomenclaturiste du langage : à chaque mot correspond une chose et inversement. Ce sujet a depuis l'Antiquité fait l'objet de discussions philosophiques, puisque Platon l'abordait déjà dans Le Cratyle.
Mais penser le nomenclaturisme, c'est le critiquer, mettre en évidence ses insuffisances. Bergson se fait critique de la langue. Ainsi, il montre que le langage est un écran, à la fois entre nous et le monde et entre nous et nous-même. Le langage est un obstacle à la connaissance.
Voilà qui est paradoxal : le langage ne sert-il pas à ...
[...] Les signifiés sont vides, puisque y ou z peuvent représenter n'importe quelle valeur numérique se rapportant à n'importe quelle réalité. Ce langage ne prend en compte que la validité formelle. D'autre part, la métaphore, l'hyperbole ou autre figure de style qu'on retrouve dans la littérature et les arts ouvrent infiniment les signifiés. Dans la poésie, les vers ont le sens qu'on leur prête. Celui que je lui donne ne s'ajuste qu'à moi. De même, chaque lecture d'un livre est différente, et aucun ne peut prétendre connaître LE vrai sens du texte. [...]
[...] Il semble dès lors être un outil qui permet une meilleure approche du monde. Cependant, il est vrai que le langage nous paraît quelque fois inapte à traduire avec précision nos pensées. Le langage serait donc à la fois un outil est un obstacle à la connaissance, ce qui est contradictoire. Bergson résout le problème en introduisant la notion d'action et de besoin, qui guident les Hommes. Ce sont eux qui limitent le langage, avant le langage lui-même. Ainsi, le monde nous échappe parce que le langage est construit suivant les besoins de l'action. [...]
[...] Mais il est vrai que le point de vue de Hegel peut sembler réducteur. L'idée que l'ineffable se résume à une pensée à l'état de fermentation peut se comprendre comme une pensée non aboutie, une pensée confuse et embryonnaire. Mais on pourrait retourner l'argument en affirmant que de la fermentation naît la vie, et que, en l'occurrence, la création d'une pensée suppose cette fermentation préalable. Faut-il donc vraiment refuser à ces expériences, ces sensations le nom de pensées ? Ce terme se limite-t-il aux seules pensées déterminées ? [...]
[...] Comme si le mot était palpable, il nous cache l'aspect particulier des choses. Il nous rend aveugle aux particularités. Nous sommes donc doublement trompés, par les mots et par l'action, car ces particularités se dissimulent déjà derrière les besoins Cela résulte du fait que le langage s'est créé pour satisfaire aux nécessités de l'action, avant celles de la connaissance. Il est vrai que si le langage parvenait à décrire le réel, c'est-à-dire si chaque chose portait un nom spécifique, puisqu' aucune chose n'est vraiment identique à une autre, alors il y aurait tant de noms propres, un pour chaque arbre, chaque pierre, chaque feuille, que l'on ne pourrait plus se comprendre. [...]
[...] Et tant que dure notre vie, nous restons dans cette zone. Tant que nous vivons, nous sommes presque tous incapables de nous détourner de l'action et des mots pour lui préférer la contemplation. La connaissance vraie est au-delà du langage. Le mythe de la pensée ineffable, c'est-à-dire une pensée qui ne peut être exprimée, n'est cependant pas accepté par tous les philosophes. En particulier par Hegel : On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'est l'ineffable. [...]
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