La beauté est « la manifestation sensible du vrai », et elle n'est que cela. Une telle thèse est certes extrêmement forte et elle doit, pour être légitimée, surmonter deux épreuves. Première épreuve : peut-on, avec cette acception radicale du beau, rendre compte du critère de beauté que l'artiste suit dans son travail ? Car si ce n'est pas le cas, notre critère du beau est inutile. Deuxième épreuve : si l'on redéfinit le beau comme lié au vrai, ne faut-il pas également redéfinir radicalement le vrai, non plus comme une fonction logique, mais également comme un idéal pour notre pensée ? Or il faut vérifier que cette définition est adéquate.
[...] Le problème est que le vrai est compris comme le terme d'un parcours contemplatif; dès lors, c'est par le beau sensible qu'on pense métaphoriquement la vérité et celle-ci apparaît seulement comme une beauté supérieure aux beautés sensibles. Nous débouchons sur une forme de paradoxe. D'un côté, le beau sensible disqualifié n'est plus que l'image appauvrie des principes vers lesquels sa contemplation doit nous conduire. D'un autre côté, à rebours, la compréhension du vrai semble se faire à partir du sensible, selon le modèle de la vision. [...]
[...] On peut parler de langage musical parce qu'en musique la suite des sons obéit toujours à une cohérence, et pourtant cette cohérence est sensible et non verbale. Le thème principal du premier mouvement du dixième quatuor à cordes de Beethoven dit des harpes ne touche pas l'intelligence à la manière d'une phrase profondément vraie, mais il touche de manière variée les sensibilités par une sorte de cohérence liée à son équilibre, à l'accord entre les quatre instrumentistes. N'y a-t-il pas ici une forme de similarité qui fait que l'on reconnaît dans un premier cas la vérité du langage intelligible, dans l'autre cas la beauté du langage sensible ? [...]
[...] Le beau apparaît alors comme la manifestation sensible, dans les choses les plus concrètes, de l'ordre que fait régner ce premier principe. Selon la seconde manière, la vision du beau dans les choses nous conduit à méditer sur nous- mêmes, nous fait découvrir une vérité cachée en nous-mêmes, nous enseigne notre propre humanité. Ces deux conceptions du beau ne semblent pas incompatibles et dessinent toutes deux une relation souvent inaperçue entre le beau et le vrai. Excluent-elles pour autant toute autre conception de ce qu'est la beauté ? [...]
[...] Kant énonce ainsi dans la Critique de la faculté déjugée que la beauté est le symbole de la moralité. Il ne faut toutefois pas méjuger cette assertion. Si la beauté est le symbole de la moralité, ce n'est pas parce que sa tâche est de nous rendre moraux, mais c'est parce qu'à l'occasion d'une impression de beauté que crée en nous un objet, nous découvrons, si nous y réfléchissons, que cet objet a produit en nous, dans le sujet connaissant, un accord de nos facultés de connaître, en particulier de l'imagination et de l'entendement, et que l'impression de beauté qui se dégage de l'objet n'est pas tant liée à l'accord de l'objet avec nous-mêmes qu'à l'accord entre nos facultés produit par l'objet. [...]
[...] La beauté n'est-elle que la manifestation sensible du vrai ? Plan détaillé I Le beau, manifestation sensible d'une vérité transcendante 1. Le beau est une étape du chemin vers le vrai {Le Banquet) 2. Une conception mystique de la vérité (Plotin) 3. Le vrai conçu sur le modèle du beau : la nature artistique du vrai II Le beau, signe ou symbole du vrai 1. Il y a une logique du beau comme il y a une logique du vrai 2. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture