L'histoire des sciences est marquée par des idées fécondes qui ont permis à la pensée scientifique abstraite de se développer, mais aussi par des idées stériles souvent inhibitrices. Gaston Bachelard se propose dans La formation de l'esprit scientifique de montrer comment de telles idées peuvent poser problème à la culture scientifique et surtout essaie de comprendre leur élaboration. Il faut couper le mal à sa racine. Ainsi, il découvre plusieurs obstacles épistémologiques qui peuvent être non seulement expliqués, mais aussi dépassés par une psychanalyse de l'esprit scientifique. Autrement dit, le problème de la connaissance scientifique doit être posé en termes d'obstacles. Or, le texte qui nous est présenté s'attarde sur les obstacles de la connaissance quantitative que Bachelard ne développe qu'à la fin de son ouvrage. Si de prime abord, ils peuvent sembler dérisoires face aux obstacles de la connaissance qualitative, il n'en est rien. Il faut être, au contraire, d'autant plus vigilants que le mal travaille dans l'ombre. Seulement, il convient de circonscrire la réflexion dans le règne même de la quantité : en effet, les obstacles en question étant de l'ordre de l'excès, on va voir s'opposer, comme le dit Bachelard, « à l'attrait d'un mathématisme trop vague, l'attrait d'un mathématisme trop précis ». Ce qui nous intéresse, en l'occurrence, est « l'excès de précision » que le texte développe autour de deux concepts clefs : mesure et méthode. Il faut alors, d'une part, s'interroger sur leur relation pour en apprécier les enjeux et ensuite en déduire l'obstacle épistémologique. D'autre part, il s'agit d'en replacer les conclusions dans la rupture entre l'esprit préscientifique et l'esprit scientifique. En quoi, l'analyse va nécessairement donner lieu à une réflexion proprement philosophique sur la relation sujet/objet du point de vue de la connaissance. Autrement dit, l'analyse scientifique préliminaire qui exige de déterminer une mesure en fonction d'une méthode suivie de l'analyse épistémologique qui en déduit l'obstacle, permettent d'aboutir à une synthèse philosophique envisagée comme une critique de l'esprit scientifique. Il ne s'agit pas tant de développer les sciences, mais de les préserver des erreurs qui peuvent les entraver. La problématique ne peut pas alors se contenter d'investir ces trois aspects du texte, elle doit aussi les soumettre à une expertise profonde pour s'assurer qu'il ne s'agit là ni de spéculation ni de l'embryon de nouvelles impasses. En bref, considérer « l'excès de précision » comme un obstacle épistémologique n'est-ce pas s'aventurer vers un certain relativisme ?
Tout au long de cette réflexion, nous suivrons donc l'ordre du texte à la lumière des trois aspects que nous avons mis en évidence tout en gardant une approche problématique. C'est ainsi qu'on pourra mieux comprendre l'épistémologie de Bachelard et garder la distance nécessaire pour ne pas perdre de vue les enjeux et ne pas être éventuellement aveuglés par un enthousiasme naïf.
[...] C'est parce que l'excès de précision a mis en évidence que la science a besoin d'une base solide sur laquelle elle puisse construire son édifice, qu'on peut revenir sur cet excès qui désormais apparaît, bel et bien, un véritable obstacle épistémologique. Bachelard considère l'excès de précision comme une des marques les plus nettes de l'esprit non scientifique ou préscientifique qui a régné jusqu'au XVIII siècle. En quoi constitue-t-il véritablement un obstacle ? Le mathématisme trop précis reflète d'abord comme nous l'avons dit l'ambition de rationaliser la Nature et de comprendre l'acte créateur. La théologie et la mystification s'entremêlent à la science. [...]
[...] Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, [213-214] L'histoire des sciences est marquée par des idées fécondes qui ont permis à la pensée scientifique abstraite de se développer, mais aussi par des idées stériles souvent inhibitrices. Gaston Bachelard se propose dans La formation de l'esprit scientifique de montrer comment de telles idées peuvent poser problème à la culture scientifique et surtout essaie de comprendre leur élaboration. Il faut couper le mal à sa racine. Ainsi, il découvre plusieurs obstacles épistémologiques qui peuvent être non seulement expliqués, mais aussi dépassés par une psychanalyse de l'esprit scientifique. [...]
[...] L'esprit préscientifique donne un résultat pour ensuite l'expliquer. L'esprit scientifique explique comment trouver tel résultat et le donne seulement ensuite. On voit que tout va tenir dans le discours préliminaire. La réflexion doit précéder la mesure sans quoi cette dernière est vaine. Et pour s'assurer que cette réflexion a été bien menée, un impératif méthodique est nécessaire. C'est aussi pourquoi, Bachelard parle voire invite à une métaphysique des méthodes de mesure Cette expression, aux résonnances kantiennes, souligne l'intérêt de concevoir les différentes méthodes de mesure pour les trier. [...]
[...] D'autre part, il s'agit d'en replacer les conclusions dans la rupture entre l'esprit préscientifique et l'esprit scientifique. En quoi, l'analyse va nécessairement donner lieu à une réflexion proprement philosophique sur la relation sujet/objet du point de vue de la connaissance. Autrement dit, l'analyse scientifique préliminaire qui exige de déterminer une mesure en fonction d'une méthode suivie de l'analyse épistémologique qui en déduit l'obstacle, permettent d'aboutir à une synthèse philosophique envisagée comme une critique de l'esprit scientifique. Il ne s'agit pas tant de développer les sciences, mais de les préserver des erreurs qui peuvent les entraver. [...]
[...] Ce n'est que maintenant qu'on peut entamer la synthèse philosophique. En effet, l'analyse scientifique et l'analyse épistémologique ont fait surgir un certain nombre de problèmes qu'il faut résoudre. L'objectivité scientifique désormais suspendue, d'une part, à la relation entre précision de mesure et la sensibilité de la méthode de mesure (et non plus à l'objet même), d'autre part, aux conditions d'expérience, ne risque-t-elle pas de tomber dans un certain subjectivisme ? De même, le sujet étant désormais au centre du système de connaissance ne risque-t-on pas de tomber dans un certain relativisme ? [...]
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