Parmi les évidences qui constituent notre existence, l'une des plus fondamentales est que je suis dans mon corps. C'est en lui que je vis. Le corps est la partie matérielle des êtres animés. Etre vivant, c'est avoir un corps à soi, capable de se mouvoir et d'accomplir certaines fonctions vitales. Et sentir, mais aussi agir, parler, ou penser, supposent d'avoir son propre corps à disposition. C'est cette évidence du corps qui rend si difficile sa description. Cette évidence silencieuse du corps, que l'on ne songe guère à interroger tant que l'on est bien-portant, se voile d'opacité et d'étrangeté dès que l'on veut l'approcher. Car c'est depuis ce corps qu'il faut réfléchir et faire comme s'il était extérieur à soi. Ceci ouvre la question : Avons-nous un corps ? Cette interrogation peut paraître triviale car chacun en se voyant dans le miroir voit un corps, mais elle soulève en réalité un paradoxe. Si le corps est ce qui semble me constituer, je ne me définis pourtant pas comme corps mais comme objet pensant. Et si la réalité du corps est établie, il n'est pas garanti que nous le possédions, que nous l'« ayons » à proprement parler, c'est-à-dire que nous disposions réellement de lui comme d'un objet. L'homme se saisit-il comme corps ? Le possède-t-il réellement ? Est-il alors ce corps qui le constitue ?
La difficulté à se saisir comme corps, alors que l'on se saisit immédiatement comme sujet pensant provient certainement de la difficulté à définir le corps comme « sien ». Le corps, enfin, semble trouver son unité et nous appartenir lorsqu'il est couplé à l'esprit.
Se demander si l'on a un corps soulève un premier paradoxe qui est celui de la difficulté de se saisir comme corps alors que l'on se saisit aisément comme sujet pensant. En effet la spécificité de l'homme est caractérisée par sa pensée et non pas par son corps. Pour se saisir comme corps, le corps d'autrui est essentiel. Le corps, enfin, exprime sa spécificité quand le « je suis » se substitue au « je peux ».
[...] Il nous faut donc nous efforcer de penser le corps vécu ou le vivre incarné du dedans, et seulement du dedans. La phénoménologie conduit au suspens de toute psychologie descriptive (je décris ce qui m'est arrivé) et analyse un vivre toujours pris à l'état naissant, enchevêtré, confus. Chaque vécu étant lié à une infinité d'autres vécus, celui-ci ne peut donc être perçu que dans sa globalité, au point de jonction de la conscience et de l'inconscient, du corps et de la parole. [...]
[...] Nous pouvons explorer le corps d'autrui. La rencontre avec autrui n'est pas la rencontre avec une âme mais la rencontre avec un corps. Ainsi Levinas dans Totalité et infini nous explique que la rencontre entre deux individus est la rencontre entre deux visages. Autrui est visage. La présence d'autrui nous interpelle. La chose première pour Levinas est le rapport à l'altérité. Le sujet ne se constitue donc pas par lui-même mais par l'intermédiaire de l'autre. Le dit prime le dire. [...]
[...] L'homme a qui on a amputé une jambe par exemple ne peut l'accepter car à la fois c'était quelque chose qu'il possédait qu'on lui a enlevé et à la fois parce que son corps est en rapport direct avec le monde. Le corps est le monde écrit Merleau- Ponty. Il y a un être au monde qui incite à l'action et empêche l'amputé d'accepter cette mutilation. Si l'on tend à agir c'est parce qu'avoir un corps, c'est s'engager perpétuellement dans le monde. Accepter l'amputation est donc impossible en vertu d'une coappartenance originaire au monde, qui inscrit le corps dans une intentionnalité et le fait échapper à l'en-soi. [...]
[...] Nous ne le contrôlons pas. Seule notre âme semble nous appartenir. Ainsi, toutes les actions, lorsqu'un individu marche, sent ou pense, sont rapportées à l'âme. La puissance de se mouvoir, de sentir et de penser ne peut être attribuée à la nature corporelle. La pensée, au contraire du corps, est un attribut qui m'appartient. Je suis, j'existe Si cette phrase est vraie à l'instant présent, elle n'est pas éternelle. C'est pourquoi Descartes écrit : Je ne suis donc, précisément parlant, qu'une chose qui pense, c'est-à-dire un esprit ; Je ne suis point cet assemblage de membres, que l'on appelle le corps humain Aussi, il est difficile de supposer avoir un corps lorsque celui-ci m'est en parti inconnu. [...]
[...] Ceci ouvre la question : Avons-nous un corps ? Cette interrogation peut paraître triviale car chacun en se voyant dans le miroir voit un corps, mais elle soulève en réalité un paradoxe. Si le corps est ce qui semble me constituer, je ne me définis pourtant pas comme corps mais comme objet pensant. Et si la réalité du corps est établie, il n'est pas garanti que nous le possédions, que nous ayons à proprement parler, c'est-à-dire que nous disposions réellement de lui comme d'un objet. [...]
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