Que l'homme se préoccupe de son avenir, nombre de ses pratiques le montrent, qu'il s'agisse de l'interrogation angoissée des anciens devins, du prétendu savoir des sorciers, ou de la consultation plus « moderne » des voyantes et autres tireuses de cartes. De tels comportements témoignent d'une angoisse, et d'un besoin de savoir ce que "demain nous réserve". Mais ils semblent aussi indiquer que l'interrogation en question ne peut être satisfaite par un savoir véritable.
Est-ce parce que ce savoir est par définition impossible ? L'avenir peut-il ou non être objet d'une connaissance sérieuse ?
[...] La loi suppose que ce qu'elle explique se répétera indéfiniment de la même façon. Il est vrai que les lois scientifiques changent, puisque la science progresse en modifiant ses acquis, et que son histoire n'est que celle d'une correction d'erreurs d'abord admises comme des vérités. Mais on ne peut distinguer entre cette évolution des lois partielles et le principe auquel obéit leur recherche, qui demeure permanent : notre connaissance prétend nous informer de l'état de choses, non seulement telles qu'elles furent et sont, mais aussi telles qu'elles seront. [...]
[...] Et si l'histoire apparaît comme une connaissance du passé ainsi que la définit Marrou, cela ne signifie nullement qu'elle autorise la moindre prévision sur l'avenir, puisqu'on doit admettre qu'un événement, dès qu'il met en cause l'humain, est unique, et que les répétitions historiques n'impliquent aucunement la réitération des mêmes causes, des mêmes conditions et de déroulements semblables pour les événements ainsi nommés d'un nom commun C'est que l'homme échappe au déterminisme : il est doté d'une liberté qui interdit de considérer son comportement comme soumis à des causalités strictes. C'est aussi que son avenir est tout autre chose que le simple état succédant à son présent, dès lors que sa considération influe sur sa conduite. Contrairement à la temporalité qui s'exerce dans le monde naturel, qui va du passé vers l'avenir en traversant le présent, la temporalité telle que la vit la conscience humaine se préoccupe de l'avenir pour agir dans le présent et interpréter son passé. [...]
[...] Dès lors, il est au contraire ouvert à la création, telle que, par exemple, l'entendait Bergson, et devient impossible le à prévoir au sens scientifique. [...]
[...] Ce qui ferait de l'humanité une simple espèce animale ne se distinguant plus en rien des autres espèces et serait la négation même de l'humanité. Il existe décidément deux mondes : celui des choses et celui de l'homme. La connaissance des premières permet d'en prévoir l'état futur, dans certaines limites. Pour ce qui est du monde dans lequel l'homme élabore ses valeurs et n'en finit pas de déployer sa liberté il est irréductible à un univers soumis à des lois constantes. [...]
[...] Les conditions auxquelles peut exister un objet de connaissance» paraissent ainsi ne pouvoir s'accorder au caractère de ce qui n'est qu'à venir. Depuis Kant au moins, nous admettons que nous ne pouvons connaitre, au sens strict, que ce qui se manifeste phénoménalement pour nous, c'est-à- dire ce qui s'inscrit d'abord dans nos intuitions de l'espace et du temps. Or le terme avenir désigne bien un aspect du temps, mais c'est pour indiquer qu'il est sans contenu empirique ; et il apparaît complémentairement que ce qui est hors du monde présent ne saurait se manifester dans l'espace. [...]
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