« Il y a plus de livres sur les livres que tout autre objet ; nous ne faisons que nous entre-gloser » : le contrat qu'établissait Montaigne il y a près de cinq-cents ans sur la prolifération de l'écrit est toujours d'actualité : revues, journaux, livres, thèses se multiplient, s'accroissent, se répondent de concert, par-delà les époques, par-delà les obstacles linguistiques. Et pourtant, nombreux sont ceux qui déplorent le manque d'attention porté à la lecture, la disparation de la calligraphie et de la rhétorique, l'abandon des Humanités.
De fait, les exigences de la société contemporaine autorisent l'inquiétude : gagné par la vitesse, la performance et la rentabilité, l'individu a désormais un rapport utilitaire au temps incompatible avec l'activité gratuite par excellence que représentent la lecture et son versant jumeau l'écriture. Dans ce contexte, quelle place réserve la société contemporaine à l'écrit ?
Souvent donné pour moribond en raison de l'avènement de la société des loisirs qui ne lui laisse que peu de place, l'écrit manifeste une robustesse certaine. Si tel est le cas, c'est qu'en dépit d'une histoire chaotique marquée par la concurrence de l'oral, l'écrit est parvenu à s'imposer comme un acteur majeur dans les processus de savoir et de pouvoir.
I. En dépit de sa mort programmée et sans cesse retardée, l'écrit manifeste une résistance peu commune face aux assauts de l'audiovisuel.
A. L'enquête sur les pratiques culturelles des Français constitue un précieux indicateur sur l'évolution de la place de l'écrit au cours des dix dernières années. Le déclin de l'écrit comme source d'information principale au profit de la télévision se manifeste de manière quantitative : la presse quotidienne perd régulièrement son lectorat : 36% des Français lisent un quotidien tous les jours, contre 43% en 1988 et 55% en 1973. Symétriquement, la durée d'audience moyenne quotidienne de la télévision ne cesse d'augmenter : trois heures trente actuellement, contre deux heures quinze en 1976 (...)
[...] Trois facteurs semblent expliquer pour partie ce déclin : le doublement de foyers multi-équipés en téléviseurs ; l'introduction significative des micro-ordinateurs dans l'espace domestique en 1997) et la diffusion massive des magnétoscopes et lecteurs de disques dans les foyers en 1997, contre 25% en 1989). La consommation audiovisuelle s'effectue au détriment de celle de l'écrit. À cette concurrence médiatique s'ajoutent les phénomènes liés à la massification et l'avènement de la société de consommation. Plus facile d'accès, le livre se banalise et perd de son aura auprès de ceux qui n'en étaient pas familiers. En 3 Dissertation de Culture générale : Quel avenir pour l'écrit ? s'insérant dans le circuit économique, le livre se transforme en valeur marchande. [...]
[...] L'enquête annuelle que réalise l'institut de sondages Sofres sur la crédibilité des différents médias montre ainsi que pour expliquer en détail une nouvelle, les Français font majoritairement confiance à la presse écrite loin devant la télévision et la radio Ce discrédit peut être rapproché de la méfiance que suscite l'image auprès des philosophes : Platon, dans La République, dénonce les images comme étant une illusion, une copie au deuxième degré de la Vérité, du monde des Idées. Trompeuses en mensongères, elles éloignent l'homme de la vérité. II. Pourtant, l'écrit n'a pas toujours été au centre des modes de communication, bien qu'il joue désormais un rôle central dans les dispositifs de savoir et de pouvoir. A. Jusqu'au début du XXe siècle l'écrit règne sans partage. [...]
[...] Graphein en grec signifie à la fois écrire et dessiner Elle répond à des besoins comptables (gestion par les agriculteurs de leurs troupeaux, champs, recettes, etc.) et politiques (administration par le centre de territoires éloignés). L'écriture idéographique trouve son berceau en Mésopotamie, probablement aux alentours du IVe millénaire avant J.-C. Les Égyptiens utilisèrent également une écriture de ce type. Essentiellement analogique, elle se détache peu à peu de son caractère figuratif pour représenter des sons effectivement émis. Puis apparaît l'alphabet, probablement en Phénicie entre les IIe et Ier millénaires, plus sûrement en Grèce, entre les VIIIe et IVe siècles. [...]
[...] Livres de poche, livre à dix francs, versions abrégées des classiques, tels sont les symptômes de cette métamorphose. C'est ce que stigmatisent chacun à leur manière Hannah Arendt dans La Crise de la culture et Gustave Flaubert dans Le Dictionnaire des idées reçues et Bouvard et Pécuchet sous l'appellation de philistin pour désigner l'individu, le plus souvent le bourgeois, qui utilise la littérature à des fins marchandes, commerciales ou de prestige social. Par ailleurs, le temps libre octroyé par la société est avant tout occupé par des activités de loisirs, jugées incomptables avec la lecture. [...]
[...] Si l'émergence du numérique a tout de même fait perdre au livre son hégémonie comme moyen d'accès au savoir, il autorise pourtant tous les rêves, notamment celui évoqué par l'écrivain argentin Jorge Luis Borges dans sa nouvelle intitulée La Bibliothèque de Babel dans le recueil Fictions : posséder une bibliothèque 10 Dissertation de Culture générale : Quel avenir pour l'écrit ? dans laquelle figureraient tous les livres du monde. Indications bibliographiques Première approche : Claude Hagège, L'Homme de paroles, Contribution linguistique aux sciences humaines, Gallimard, coll. Folio/Essais Ouvrage de référence : Ministère de la Culture, sous la direction d'Olivier Donnat, Les Pratiques culturelles des Français, enquête 1997, La Documentation française Point de vue : George Orwell Gallimard, coll. [...]
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