La Technique et son progrès dans une société sont donc communément retenus comme des indicateurs viables du bon fonctionnement de celle-ci, et par là-même assimilables à des moteurs de ce bon fonctionnement, dans une certaine mesure toutefois ; la question se pose ainsi de plus en plus de savoir si l'avancée de la Technique, au vu de l'importance de la place qu'elle occupe dans la société actuelle, mène réellement celle-ci à devenir meilleure.
Il s'agit donc bien de se demander si le développement et la production de technologies et d'objets toujours plus perfectionnés, par la main de l'Homme, permettent pour une société d'accéder à un progrès économique, politique, social et culturel, autant de critères qui permettent de juger avec plus ou moins de légitimité de la « qualité de vie » au sein de cette dernière.
On peut se demander si nous pouvons légitimement faire reposer notre jugement d'un Etat, d'une nation, d'une société en général sur le niveau d'avancement des techniques qu'elle détient, alors même qu'on sait que celui-ci peut être à l'origine de conséquences particulièrement néfastes, jusqu'à assimiler intégralement progrès technique et progrès sociétal, et plus exactement, quelles sont les relations de cause à effet qui unissent ces deux notions.
[...] La valeur prioritaire de ce dernier est donc encore une fois peu à peu remise en cause, et il apparaît de plus en plus discutable que l'avancée des techniques doive nécessairement nous mener vers le meilleur. Cette idée, que la société occidentale a assimilée sous la dénomination de principe de précaution constitue à l'origine le fondement de la pensée de Hans Jonas, philosophe allemand et disciple d'Heidegger, clairement exprimée dans son essai Le Principe Responsabilité. La Technique y est considérée comme un vecteur de progrès autant qu'un risque, qui nécessite dans la société actuelle plus que jamais que lui soit posé des limites morales, fruit d'une réflexion objective sur le rapport entre les conséquences bénéfiques et néfastes qu'une nouvelle création peut engendrer. [...]
[...] Or, productions d'outils, d'armes, d'un langage, d'un art même primitif, relèvent directement de la Technique, et la chasse est dès lors indéniablement une activité technique. La société naît donc avec la Technique ; elle naît de la Technique. Si l'on veut considérer, de plus, selon le premier réflexe de pensée occidental, la société comme un regroupement d'individus résidant sédentairement sur un territoire clairement délimité, il apparaît de manière encore plus indéniable que cette installation n'a été possible que par le développement des techniques, aussi bien en matière de construction d'abris, que de confection de textiles ou de méthodes d'agricultures, entre autres. [...]
[...] Si l'on considère ainsi l'exemple d'une entreprise industrielle ayant développé une technique révolutionnaire, capable d'améliorer considérablement la vie quotidienne des citoyens, leur confort ou leur santé ; il est possible d'imaginer qu'afin de produire davantage en réduisant ses coûts de production, et ainsi d'obtenir un progrès non seulement économique, mais également pour l'ensemble des consommateurs potentiels qui pourront de fait se procurer ladite technologie à un prix plus bas, l'entreprise choisisse de délocaliser sa production : du point de vue des employés licenciés dans le pays d'origine, et dans certains cas du point de vue des nouveaux employés, lorsque ceux-ci sont sous-payés, c'est un recul plus qu'un progrès en matière sociale, tout comme du point de vue écologique, puisque la délocalisation implique des transports de fret sur de longues distances, donc une pollution accrue. On voit donc que la notion de progrès dans la société est relative, et qu'il est inévitable, sitôt qu'on choisit de privilégier l'un ou l'autre de ses critères, d'en léser d'autres, selon une hiérarchie de valeurs essentiellement subjective et conjoncturelle. Le progrès d'une société est donc toujours relatif et discutable, et résulte, non dans l'avancée des techniques en elle-même, mais dans la recherche constante d'un équilibre intelligent et viable des effets multiples, positifs et négatifs, de cette avancée. [...]
[...] On voit donc que, si la Technique a depuis ses origines mené la société au fil de son Histoire, l'amenant à se développer, se remettre en question par un processus d'adaptation constante à ses progrès, cette société a toujours pu, dans une certaine mesure, fixer les objectifs d'une Technique considérée comme essentiellement neutre, et ainsi définir de quelle manière celle-ci produirait tantôt le bien tantôt le mal selon des définitions morales qu'ignore la Technique en elle-même. Il apparaît cependant finalement que, si le progrès technique peut contribuer au progrès sociétal de bien des manières, celui-ci, à l'évidence, naît parfois, et notamment à l'heure actuelle, du seul freinage, par volonté de prudence, de cette grande course vers l'inconnu qu'est l'avancée des techniques. [...]
[...] Il s'agit donc bien de se demander si le développement et la production de technologies et d'objets toujours plus perfectionnés, par la main de l'Homme, permettent pour une société d'accéder à un progrès économique, politique, social et culturel, autant de critères qui permettent de juger avec plus ou moins de légitimité de la qualité de vie au sein de cette dernière. Ainsi, si l'on choisit de se pencher sur l'exemple du nucléaire, et bien qu'il soit indéniable que son développement récent a permis d'apporter au plus grand nombre confort et santé, deux indicateurs qui apparaissent évidemment fondamentaux dans la définition d'une bonne société, il apparaît immédiatement que son dévoiement militaire est à l'origine de nombreuses tensions dans la société mondiale depuis la Guerre Froide jusqu'au cas actuel de l'Iran. [...]
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