Dissertation de philosophie entièrement rédigée traitant la question : « Autrui est-il un autre moi-même ? ». L'expression « un autre moi-même » semble garantir une égalité positive entre moi et autrui. Mais elle recèle un risque de simple assimilation (plus ou moins forcée) d'autrui à ce que je suis, et nie dès lors sa différence. Il convient alors de la développer correctement pour qu'elle désigne à la fois ce qui nous distingue et ce qui nous rassemble.
[...] Il y a dans de tels phénomènes, par-delà leurs causes économiques et prétextes civilisateurs une troublante ambiguïté : on ne reconnaît l'altérité que pour la nier aussitôt, en exigeant que les autres se transforment en autres nous-même Ce refus de l'altérité comme telle témoigne peut-être d'une crainte inavouée : si nous ne modifions pas les autres, ils nous rendront semblables à eux. Mais il expose à coup sur que le surgissement de la différence (dans les modes de vie, les valeurs, les façons d'être, la pensée) est perçu comme une épreuve difficilement acceptable. Dans de telles conditions, le recours à la violence interdit évidemment que puisse affleurer la portée morale que sous-entend le terme autrui : désigner les autres c'est précisément s'interdire de considérer autrui III) Comment concilier l'altérité et le moi-même ? [...]
[...] Même si l'on admet que le prochain doit être pour le chrétien un autre soi- même, on peut donc s'interroger sur l'efficacité réelle de ce devoir, aussi bien d'ailleurs que sur la définition du prochain : peut-il ne pas être chrétien ? C'est précisément en considérant la situation de l'homme dans une antériorité théorique du christianisme que Rousseau considère que son premier sentiment naturel est la pitié, qui modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation naturelle de toute l'espèce (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes). [...]
[...] Si nous parlons, au moins évitons-nous le conflit ouvert. Mais s'il parle comme moi, ce n'est pas nécessairement pour affirmer les mêmes choses que moi. Le dialogue peut me permettre d'accéder à une vision du monde qui n'est pas la mienne, et je peux, symétriquement, exposer à l'interlocuteur ma propre vision du monde. Il y aurait ainsi un échange, éventuellement fructueux, permettant à chacun de constater ce qui le différencie de l'autre, et du même coup qu'il ne représente pas la seule version possible du pensable, du concevable, d'un point de vue humain sur les choses. [...]
[...] Cette amitié pour fréquente qu'elle soit, est-elle la plus intense ? Kant avait de l'amitié une conception plus exigeante, puisqu'il y décelait un équilibre difficile, sinon impossible, entre l'attraction et la distance, suscitées par l'égalité nécessaire entre amour et respect. Or, l'ami, au sens commun, semble au contraire le plus proche, il est assez semblable à moi pour ne plus être que très fugitivement perçu comme véritablement autre (sinon physiquement ou organiquement), et il n'est en tout cas pas repérable comme une figure d'autrui. [...]
[...] Autrui en effet ne se conçoit guère au pluriel. Et cela renseigne sur ce qui en est la marque : la singularité. Sa manifestation la plus simple est d'abord dans l'espace : il est ce corps qui n'est pas le mien, situé dans un lieu où je ne suis pas. Sans doute puis-je sans tarder y reconnaître des caractères que je partage et connais intimement, et c'est précisément ce qui m'invite à le considérer comme un autre moi-même Mais je peux deviner aussi que sa perception de ce qui nous entoure n'est pas la même que la mienne, je vois que ses gestes ne sont pas les reflets des miens. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture