« L'enfer, c'est les autres » : telle est l'ultime réplique de la pièce de théâtre Huis-Clos, de Sartre. Autrui y apparaît foncièrement pour le moi, comme une véritable menace. Pour autant, il convient de se demander si autrui, cet autre humain, n'est foncièrement par essence, qu'un être indésirable pour le moi, et en quoi il peut l'être ; ne serait-ce pas oublier d'autres dimensions fondamentales d'autrui que de le réduire, de l'enfermer ainsi dans une telle perspective ? Peut-on définir autrui comme ce qui dérange le moi ?
Tout dépend, sans doute, du type de relation établi avec cet alter ego et de l'interprétation que je donne à son attitude. Si l'on ne peut nie qu'à certains égards, autrui, par sa présence même, peut sembler être fondamentalement préjudiciable au moi, dans une relation plus ou moins conflictuelle, il faut cependant largement nuancer ce propos et souligner à quel point autrui s'avère, non sans quelque ambigüité, d'ailleurs, indispensable et bénéfique au moi. Finalement, autrui n'est-il pas cette structure même du moi, n'est-il pas inscrit dans mon propre être, auquel cas il devient impossible de le considérer comme une simple source de désagréments ? (...)
[...] Tout d'abord, la perspective hégélienne, certes placée sous le signe du conflit, n'est pas foncièrement négative : si autrui peut refuser de me reconnaître comme sujet et s'avère ainsi dérangeant il peut tout aussi bien l'accepter, même si cela se traduit finalement par l'établissement d'une hiérarchie : la reconnaissance est alors, ici, unilatérale : je deviens le maitre, lui l'esclave ; dès lors, ce n'est plus autrui qui est gênant pour le moi, mais moi qui suis gênant pour cet autre qui, en s'inclinant, en refusant le suicide, permet au moi d'accéder à la conscience de soi et donc de réaliser l'unité de la conscience avec elle-même. On le voit, le moi dépend de l'autre, ce qui place la relation sous le signe de l'ambigüité, entre bénéfice et préjudice. Quoi qu'il en soit, force est de constater qu'autrui ne peut ici être défini comme fondamentalement dérangeante. [...]
[...] Autrui, un voleur, pour le moi ? Sartre répond par l'affirmative, s'appuyant sur une expérience commune : la perception par le moi de l'arrivée d'autrui, dans un jardin public. De fait, avant l'irruption d'autrui, le monde s'organise autour de mon moi qui en est pour ainsi dire le centre de gravité. Surgit un individu : aussitôt le monde et le moi se désagrègent sont bouleversés : tout se passe alors comme si autrui me dérobait ma souveraineté sur le monde dans la mesure om c'est désormais à partir de l'autre que s'évaluent les distances, par exemple. [...]
[...] De surcroit, autrui peut atteindre, blesser le moi dans son identité même, notamment en l' étiquetant en me rangeant dans des catégories, des grilles sinon erronées, du moins évidemment par trop simplistes, me réduisant ainsi à de pures manifestations, voire à des opinions et des a priori. En effet, affirme Sartre, le regard d'autrui m'aliène, me fige, me chosifie : redit à l'état d'objet, mon moi m'échappe, je ne m'appartiens pour ainsi dire plus. Alors que je me considérais, jusqu'alors, comme un sujet libre et indéterminé, me voilà transcendance transcendée : je suis moi sans être moi, dans la mesure om je ne me choisis plus : autrui, en tant que sujet, a capté ma liberté, me ravalant au rang d'objet parmi ses objets. [...]
[...] De plus, en s'immisçant entre moi et l'objet que je perçois, autrui me permet de m'en distinguer véritablement. Dès lors, autrui pourrait éventuellement être défini non pas comme n vulgaire objet ou un sujet éventuellement dérangeant pour le moi, mais comme une dimension indispensable de mon propre psychisme, une virtualité qui permet au moi de trouver un équilibre dans le monde et de s'épanouir. * CONCLUSION Ainsi, si autrui a pu, dans un premier temps, sembler pouvoir être défini comme ce qui perturbe, dérange le moi, par son altérité et son étrangeté même ou bien en ce qu'il l' objectivise fait un objet), le nie dans sa qualité de sujet, reste que l'on ne saurait raisonnablement et légitimement enfermer autrui dans le carcan de quelque définition sinon hâtive, du moins par trop simpliste, et surtout pas dans celle que nous avons d'abord proposée. [...]
[...] Pour autant, il convient de se demander si autrui, cet autre humain, n'est foncièrement par essence, qu'un être indésirable pour le moi, et en quoi il peut l'être ; ne serait- ce pas oublier d'autres dimensions fondamentales d'autrui que de le réduire, de l'enfermer ainsi dans une telle perspective ? Peut-on définir autrui comme ce qui dérange le moi ? Tout dépend, sans doute, du type de relation établi avec cet alter ego et de l'interprétation que je donne à son attitude. [...]
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