Pourquoi raconter sa vie? Nous pouvons constater, d'un texte autobiographique à l'autre, à travers les époques, la reprise de certaines formules quasi identiques, soit pour affirmer la volonté de tout dire, soit pour souligner naïvement la nouveauté de l'entreprise. Ces invariantes s'organisent selon le modèle de la scène judiciaire, l'autobiographie ressemblant - de par sa stratégie de sincérité totale - à un procès
[...] Je le tutoie plutôt : c'est ma manière de lui montrer mon affection. Si, en l'interpellant, je lui prête des états d'âme qu'il n'a jamais eus, j'en prends la responsabilité. (Alain BOSQUET, L'Enfant que tu étais, p.10) Il préfère la deuxième personne à la première ( plus fréquente dans la pratique autobiographique ( et à la troisième ( caractéristique de la biographie et des fictions ( car elle lui semble rendre compte de sa position ambiguë: l'identité n'est pas totale, ni la différence n'est absolue entre celui qui écrit le passé et l'être d'autrefois qui se laisse docilement décrire par le premier. [...]
[...] 286) La lecture est d'abord une école et l'écrivain commence par être un imitateur : Mon beau littéraire a plutôt rapport à jouir des oeuvres des autres et à les estimer, à estimer sur leur mérite qu'à écrire moi-même. (STENDHAL, Vie de Henry Brulard, p. 294) Cette première étape sera dépassée. Le plaisir d'écrire est souvent menacé par le plaisir de lire. Aussi l'écriture nouvelle qu'il invente pour se faire lu se construit-elle généralement grâce au dialogue polémique avec les livres des autres : C'est ainsi que, tant d'années après, les phrases nombreuses et prétentieuses, de MM.Chateaubriand et Salvandy m'ont fait écrire le Rouge et le Noir d'un style trop haché. [...]
[...] Saint Augustin invoquait Dieu pour parler aux hommes et s'assurer de la bonne compréhension de ses propos. Montaigne, lui, imagine un lecteur utopique (l'homme des nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de la nature qui remplisse cette fonction. Deux cas de figure sont à distinguer : d'un côté, le lecteur en général (et ce sera, encore une fois, le lecteur de la confiance totale, un lecteur qui fonctionne comme un intime de l'auteur, lui ressemblant autant que possible), de l'autre, un lecteur idéal, hypothétique, inexistant, mais qui garantisse au premier la transparence de l'autoportrait Rousseau Rousseau, deux siècles plus tard, se montre tout aussi soucieux (sinon davantage) du destinataire de son discours. [...]
[...] (STENDHAL, Vie de Henry Brulard, p. 225) Ecrire est un pari, mais un pari des plus risqués : il n'y a aucune garantie de succès pour l'autobiographe, quand l'intérêt et l'admiration des contemporains ne le satisfont guère. Il regarde vers le lecteur non encore présent à la façon d'Orphée. Parti pour ramener au grand jour le point profondément obscur vers lequel l'art, le désir, la mort, la nuit semblent tendre la tâche de l'intimiste (et de l'écrivain en général) est inépuisable : il veut donner forme et réalité à un monde absent, qu'il fait connaître, par delà le temps, à un lecteur qu'il ne pourra rencontrer. [...]
[...] De Balzac au journal, Paris, Librairie José Corti, 1986). Gisèle Mathieu-Castellani, Op. cit., p Jean-Philippe Miraux, Op.cit, p Gisèle Mathieu-Castellani, Op. cit., p Michel de Montaigne, Oeuvres complètes, Paris, Ed. du Seuil p Gisèle Mathieu-Castellani, Op. cit., p Id., Ibid., p.70. J.J.Rousseau, Les Confessions, p Nous prenons cette notion à Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard Irina Mavrodin, Stendhal, scriitura si cunoastere, Bucuresti, Editura Albatros Id., Ibid., p.35-36. [...]
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