Qu'attend-on pour être heureux, bonheur, désir, attente du bonheur, satisfaction, manque, frustration, souffrance, crainte de la mort, infinité, immortalité, instant présent, imagination
Le bonheur est ce que nous désirons par-dessus tout. Comme l'écrivait Épicure dans sa Lettre à Ménécée, "lui présent nous avons tout, lui absent nous faisons tout pour l'avoir". Ainsi, l'homme heureux n'aurait plus rien à attendre, tandis que l'homme désirant se consumerait dans l'attente. Mais alors, qu'attend donc ce dernier pour être heureux ? Autrement dit, pourquoi n'obtient-il pas ce qu'il ne cesse de convoiter ? Cela ne tient-il pas qu'à lui ? Sait-il seulement ce qui lui manque pour être parfaitement et durablement satisfait ? Si, regardant en nous-mêmes nous constatons notre malheur, faut-il en déduire que le bien qui pourrait nous combler devrait nécessairement se trouver hors de nous ?
[...] Ce n'est pas en soi une sensation positive, c'est même ne plus rien sentir. Une fois obtenue, la satisfaction n'est plus désirée et n'est donc plus désirable. Elle en devient accablante d'ennui et c'est pourquoi sitôt un désir satisfait, il semble nécessaire d'en faire naître de nouveaux. Tant que subsiste l'illusion d'une satisfaction possible, nous sommes enchaînés à notre désir et à ses souffrances. Nous attendons d'être heureux sans jamais comprendre que le bonheur est impossible, car, « la vie oscille comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui ». [...]
[...] Les autres désirs naturels sont accessoires. Nous ne souffrons pas d'en être privés bien que leur satisfaction produise du plaisir. Il en est ainsi des plaisirs esthétiques comme de la musique ou du théâtre, mais aussi des plaisirs de la table quand nous avons l'occasion de goûter des mets ra&fnés. Le sage épicurien en se contentant de satisfaire ces désirs naturels ne se fait donc pas souffrir. Or le bonheur réside tout entier, selon lui, dans 1 ”Absence de souffrance. [...]
[...] C'est donc la peur de notre fin qui nous pousse à désirer sans fin, et ce malgré la réitération de nos déceptions. Ce n'est donc qu'en ne craignant plus de mourir que nous pouvons vivre heureux en nous contentant de poursuivre des désirs d'autant plus satisfaisants qu'ils sont faciles à atteindre. Ce qu'il nous faut attendre pour être heureux c'est donc de satisfaire, sans crainte de la mort, les désirs qui soulagent réellement nos souffrances, pour pouvoir accueillir sereinement des objets de désir qui, comme les plaisirs esthétiques, remplissent notre existence d'une saveur qui la rend pleinement digne d'être vécue. [...]
[...] Nous n'avons donc aucun rapport avec elle puisqu'elle est absence de tout rapport : « Par suite, savoir que la mort n'est rien par rapport à nous rend joyeuse la condition éphémère de la vie, non en y ajoutant un temps i&nni, mais en ôtant le désir immortalité ». Or, comme nous l'avons vu, c'est dans le désir d'immoralité que s'enracine illimitation de nos désirs et donc l'insatisfaction permanente dans laquelle nous nous trouvons. Car le désir n'est pas illimité par nature. Bien au contraire, il tend vers la satisfaction qui est à la fois sa finalité et son terme. [...]
[...] Voilà ce qui nous permettrait de jouir de notre condition, sans désirs pour détourner notre attention de notre inconsistance. Si ce que nous sommes, c'est d'abord une existence qui se désire elle-même, un vouloir-vivre qui vise des objets susceptibles de le préserver de l'anéantissement, alors il faut en déduire que nous désirons par peur de la mort. Ce n'est donc pas pour la satisfaction qu'ils procurent que nous espérons la richesse, la gloire ou le pouvoir, mais parce que ces objets de désir nous éloignent de la misère, de la solitude et de la violence d'autrui, c'est-à-dire de l'anéantissement. [...]
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