Récemment est entré en scène un nouveau type de jeux électroniques: il s'agit de plate-formes informatiques sur lesquelles chacun peut s'inscrire, fabriquer son personnage virtuel, et vivre littéralement une seconde vie, entièrement numérisée, évoluant, s'enrichissant, et prenant du plaisir dans cette vie entièrement virtuelle. Cette nouvelle application de la technique semble ouvrir une nouvelle ère de l'artificiel: de tout ce qui a été fabriqué par des techniques humaines, jamais ses créations ne se sont autant éloignées de la nature, puisqu'il a désormais la possibilité d'évoluer, pour une durée indéfinie, dans ce qui s'apparente à un monde artificiel qu'il a intégralement créé. Bien d'autres exemples nous montrent à quel point l'Homme dépend de plus en plus de ce qu'il a lui même créé. A priori, cette dépendance ne pose pas de problème, puisque l'Homme dépend alors de ce qu'il sait créer. Mais n'y a-t-il rien qui gêne dans cette affirmation progressive de l'artificiel? Pour y répondre, il faut nécessairement envisager le rapport de l'Homme à l'artificiel, mais aussi l'autre pendant des éléments qui nous entoure: ce qu'il y a de naturel, c'est à dire ce qui ne provient pas d'une quelconque technique humaine.
[...] Qu'est ce qui peut rendre l'artificiel néfaste? Il faut dans un premier temps d'interroger sur cette opposition entre naturel et artificiel, qui serait à la base de ces problèmes. Nous avons vu dans une première partie que l'artificiel peut être considéré comme le produit de l'intelligence, qu'on peut elle-même considérer comme un avatar de l'instinct chez l'Homme. De ce point de vue, l'opposition entre ces deux éléments serait donc beaucoup moins nette. Pourrait-il même y avoir continuité entre l'artificiel et le naturel? [...]
[...] Ce simple fait d'incliner une branche par une main humaine consisterait alors en une création d'artificiel. Cela signifie qu'une très légère modification de l'environnement entrainerait l'appellation d'artificiel. Mais il y a alors une contradiction : certains animaux autres que l'Hommes développent également des techniques propres, modifiant la nature pour leur propre préservation. Prenons l'exemple de la fourmi : elle modifie son environnement pour créer sa fourmilière, création ingénieuse et complexe qui ne peut pas se trouver telle quelle à l'état premier. [...]
[...] Quels obstacles font face au développement de ce nécessaire artificiel? En observant l'action de l'Homme sur son environnement, on constate aisément que cette perpétuelle affirmation de l'artificiel entre en contradiction avec son environnement. Les problèmes de pollution en sont le parfait exemple : a force de s'approprier le naturel, l'Homme finit par lui porter préjudice. Il convient d'examiner davantage les rapports entre artificiel et naturel : s'il parait légitime que l'Homme crée et qu'en créant il utilise la nature, comment placer une barrière? [...]
[...] Mais ne peut-on pas aller plus loin? Rousseau ne souhaite pas un retour à l'état de nature, qui n'aurait aucun sens puisqu'il n'a jamais existé, l'Homme ayant commencé très rapidement a créer des liens sociaux, à accumuler de la propriété, à créer. Ce que Rousseau cherche à critiquer ce n'est pas la perte de cet état de nature mais la mauvaise tournure qu'ont prise le développement de la culture et de la société : le développement la propriété, la jalousie, et la perte des qualités naturelles. [...]
[...] Il y aurait donc dans la nécessité de l'artificiel deux dimensions : la première est celle d'un artificiel nécessaire à la préservation de l'espèce, la seconde est celle qui caractérise l'Homme et lui donne sa spécificité. On pourrait envisager un renversement de la causalité, et presque envisager que si l'Homme crée l'artificiel, c'est aussi l'artificiel qui crée l'Homme. Cette autre dimension expliquerait pourquoi l'Homme, même actuellement où il semble que tout progrès n'est que surplus inutile à la préservation, continue à développer l'artificiel autour de lui. Cet artificiel lui apporte car il scelle sa spécificité, l'aide à s'ancrer en modifiant de plus en plus son environnement naturel. [...]
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