Couramment l'art, qu'il soit esthétique ou moral, est pensé comme un élan génial qui touche l'artiste : souvent en effet on parle d' « inspiration », et dans la mythologie grecque on évoque des créatures extraordinaires comme étant à la base de la création artistique, les Muses. Cependant, entendre l'art de cette manière revient à le penser comme un don inné, et par là, à admettre qu'il ne requiert aucun travail ni aucune technique. Dès lors, le culte voué de tout temps à l'art ainsi qu'à l'artiste, ne se justifierait que dans la mesure où on admettrait qu'existent des puissances divines, et ce serait en réalité elles que l'on célébrerait.
Dès lors, peut-on réellement envisager que l'art puisse se passer de technique ? Est-il possible qu'un élan irrationnel de génie soit à la source de la création artistique ? L'art ne requiert-il pas inévitablement la connaissance d'une technique pour surgir ? N'est-ce pas d'ailleurs la technique qui donne son sens à l'art ?
[...] Ce n'est d'ailleurs pas sans raison que lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir, l'art moderne dans son ensemble fut prohibé et ses principaux représentants furent soit exilés soit réduits au silence : c'est bien la preuve que la méthode qu'ils utilisaient dans leur art rendait compte d'un sentiment collectif, que leurs œuvres faisaient jaillir. Enfin, la technique donne à l'art une fonction mémorielle qui n'est pas négligeable. En effet, étudier l'histoire de l'art, c'est étudier l'histoire des méthodes de l'art, et par là même, se souvenir de ce qu'on était nos antécédents. Si l'art pouvait se passer de technique, s'il se donnait de tels moyens, alors toute mémoire serait abolie. [...]
[...] Pour inventer, il n'y a pas de règles, ni pour avoir des idées. Victor Hugo nous dit dans Les Contemplations Que la création est une grande roue/qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu'un c'est-à-dire sans dépasser quelqu'un, sans ajouter un élément radicalement nouveau à ce qu'il a déjà fait. L'art consiste à produire l'insolite, ce qui sort du quotidien. Ainsi un objet de même nature peut-il être un simple outil du quotidien, aidant l'homme à se pourvoir de ce qui lui manque pour améliorer sa condition, ou un objet d'art, et, seule la manière dont il a été produit pourra en décider : la chaise dans laquelle je m'assois lorsque je suis en train d'étudier est un objet du quotidien, elle a été produite mécaniquement, suivant la même technique qui a servi a fabriqué toutes les autres qui se trouvent dans ma salle de cours. [...]
[...] Si elle s'était astreinte à la méthode coutumière dictant les différentes étapes à suivre pour fabriquer une chaise, Melinda ne serait qu'une ouvrière, que quelqu'un qui produit. Or, en choisissant de ne pas respecter la méthode établie, elle se fait artiste, et crée. L'artiste doit, pour acquérir ce statut, rejeter la technique qui est routine et répétition. De même, en ce qui concerne l'art de vivre, il semble aberrant de penser qu'elle consisterait à suivre une technique, guidant des étapes à suivre afin de parvenir à la bonne manière de se conduire. [...]
[...] Dès lors, peut-on réellement envisager que l'art puisse se passer de technique ? Est-il possible qu'un élan irrationnel de génie soit à la source de la création artistique ? L'art ne requiert-il pas inévitablement la connaissance d'une technique pour surgir ? N'est-ce pas d'ailleurs la technique qui donne son sens à l'art ? De prime abord, il semble que l'art puisse se passer de technique : en effet, si faire de l'art pouvait se réduire à suivre une technique, de quel droit pourrions-nous qualifier quelqu'un d'artiste, puisqu'il ne ferait que suivre une méthode, et ne ferait donc que produire, reproduire ce qu'il a appris ? [...]
[...] Et, même lorsque, au fur et à mesure qu'on avançait dans le temps, les artistes ont de plus en plus étaient tentés par le refus du rationnel et de la mécanisation, faisant triompher la spontanéité et l'individualisme ; même lorsque les artistes pensaient que l'art était le dernier havre où soient admises et même cultivées la fantaisie et les idées personnelles et qu'ils voulaient s'émanciper de la technique, même dans cette ultime revendication, il s'agissait d'établir une nouvelle technique. Aussi semble-t-il que l'établissement d'une technique ne soit pas un moyen pour l'art, mais soit sa fin, son essence. [...]
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