La question de l'utilité de l'art pourrait, par la prise en compte de son sens étymologique, ne poser aucune difficulté. En effet, le terme « art » a longtemps désigné les savoir-faire artisanaux ou les modes de production. En grec les termes « poiésis » et « technê » recouvraient indifféremment l'activité des artistes et celle des artisans. En latin comme en français, le mot « art » issu du latin « ars », a plusieurs significations qui ne sont pas toujours convergentes puisque « ars » peut vouloir dire suivant les contextes « manière d'être », « façon d'agir », « talent », « savoir faire », « métier », « science ». Malgré tout, le terme connote presque toujours la représentation d'une activité humaine visant à produire un certain ordre et une certaine harmonie là où elle s'exerce. Pris en son sens étymologique, le concept d'art associé à celui d'utilité semble ne pas poser de réel problème. Par contre, si nous prenons en compte une conception de l'art plus récente, il semble que la question de l'utilité de l'art prend ici toute sa pertinence. C'est en effet, à partir du XVIIIe siècle qu'on s'est mis à distinguer entre l'art de l'artiste, créateur original dont le génie ne saurait être transmis, et celui de l'artisan humble et appliqué, dont le savoir technique serait transmissible par l'enseignement. C'est à partir de ce moment que les « beaux-arts » se sont vus différenciés des « arts et métiers » et qu'une nouvelle conception de l'art a vu le jour. L'art se définit alors par l'ensemble des pratiques dépourvues de toute visée technique et utilitaire, et n'ayant pour but que de représenter le beau. Selon cette définition, l'unique finalité de l'art est de produire le beau, il est son but à lui-même. Ce qui s'oppose radicalement à la définition du mot « utile », qui dans un sens large signifie que ce qui est utile a sa valeur, non pas en soi-même, mais comme moyen d'une fin jugée bonne, à quelque point de vue que ce soit. Et qui dans un sens restreint fait référence à ce qui sert à la vie ou au bonheur par opposition aux fins spirituelles, telles que la vérité, la beauté ou la justice. Le fait d'attribuer une utilité quelconque à l'art semble ici dénué de sens. Il faut tout de même préciser qu'il ne s'agit pas ici de déterminer si l'utilité est une propriété essentielle de l'art mais si, outre sa fonction première qui est de produire le beau, l'art, peut-il dans un second temps être utile. L'art peut-il, outre sa finalité esthétique principale, être doté d'un intérêt pratique ? La création artistique ou la contemplation esthétique ne peuvent-elles pas être perçues comme moyens d'une fin jugée bonne ? Afin de répondre à ces problèmes nous analyserons dans un premier temps l'idée selon laquelle l'art est inutile, se suffisant à lui-même par sa seule finalité esthétique. Dans un deuxième temps, nous mettrons en cause l'inutilité de l'art et verrons comment l'art, malgré sa finalité esthétique première, peut être un outil déterminant dans d'autres domaines tels que la politique ou la vie en société. Enfin, nous dépasserons cette approche quelque peu dévalorisante de l'art et mettrons en avant le fait que l'art constitue un réel apport personnel pour l'épanouissement de l'individu et qu'il peut par conséquent être utile à la vie ou au bonheur.
[...] En outre, si nous prenons en compte les analyses d'Hannah Arendt sur l'art, le rôle qu'il joue dans la vie politique dépasse la simple utilité par sa nécessité. En effet, ses analyses suggèrent avec force la nécessité de l'art et de la culture pour la constitution et le maintien d'un monde commun. C'est par le maintien d'un espace public partagé par des citoyens agissant et échangeant des paroles dans l'exercice d'une vie proprement démocratique que le jugement politique devient possible. L'art et la culture incarnent la mémoire d'un monde commun, ce qui constitue un rôle essentiel dans le maintien d'une civilisation. [...]
[...] Pour lui, ce que nous trouvons beau dans un tableau ce n'est pas la matière mais la forme. C'est parce qu'il ne dépend pas du caractère agréable de telle ou telle sensation et que la matière de l'objet reste ainsi indifférente que le beau procure un plaisir désintéressé. Ce qui plaît et éveille la sensibilité esthétique c'est le fait de recevoir une pure forme en notre imagination. Selon cette conception de l'art, c'est principalement le désintéressement caractérisant le plaisir esthétique qui procure à l'art sa spécificité. [...]
[...] L'exploitation de l'art, à des fins politiques ou économiques telles que publicité, le détourne de sa nature. Le rôle politique joué par l'art le séparant de sa valeur artistique n'est donc pas satisfaisant pour assigner une fin utilitaire à l'art, cette fin le dévalorisant et altérant sa nature. Après s'être intéressé aux rôles que l'art était susceptible de jouer dans d'autres domaines tels que la politique et avoir constaté la déviance qui en découlait, il semblerait qu'il faille considérer la valeur de l'utilité de l'art d'une toute autre manière. [...]
[...] Nietzsche, dans son ouvrage intitulé Le Gai Savoir explique que l'art est une illusion salutaire car il permet au penseur d'échapper au pessimisme. L'art, en tant que consentement à l'apparence est un puissant recours au dégoût de la vie dû à notre faculté nouvelle de comprendre l'universel par la science. Il reprend ainsi le thème platonicien de l'art facteur et fauteur d'illusion, mais pour l'en féliciter : l'art embellit la vie. La science cherche une vérité mais cette vérité est nuisible à la vie : comme l'exprimera le peintre Braque : La science inquiète, l'art rassure L'esthétique est un remède au mal de vivre. [...]
[...] L'art peut- il avoir une quelconque incidence dans l'épanouissement personnel et par conséquent être utile à la vie ou au bonheur ? Vu sous cet angle là, il semble que la dimension pratique de l'art prendrait alors toute sa valeur. Si nous prenons en compte différentes disciplines artistiques telles que le théâtre, la musique ou encore la peinture, les potentialités expressives y sont multiples et permettent à l'artiste de s'accomplir pleinement par un procédé attrayant et jouissif. La création artistique devient alors un bienfait utile à la vie et à l'épanouissement de ces personnes, ce qui peut d'ailleurs nous amener à la qualifier de vitale. [...]
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