Depuis Platon, de nombreux philosophes se sont penchés sur l'art et se sont interrogés sur sa nature, sa finalité, son utilité, son statut, sa place dans le monde de l'homme. La multiplicité des réalités que recouvre ce terme rend les réflexions toujours plus complexes à mesure que le temps passe : à l'origine une simple technè (savoir-faire), l'art a été associé aux sept muses de la mythologie grecque, il désigne les « Beaux-arts » à partir de la période classique, et aujourd'hui, quand on parle d'art, on pense non seulement à la peinture, l'architecture, la sculpture, la musique, la danse, la littérature mais aussi au cinéma, à la photographie... La question du rapport de l'oeuvre d'art au réel est soulevée depuis Platon : l'art nous montre-t-il le réel ou alors n'est-il qu'une illusion dans le sens où il nous fait croire, en nous séduisant, à une réalité qui n'est pas, comme le pensait Platon ? En effet quand on regarde certaines sculptures par exemple, il peut parfois nous sembler qu'elles sont vivantes et qu'elles vont se mettre à bouger : on a l'illusion que ce qui est représenté est réel. Si c'est le cas, cela pose un problème quant à la place de l'art dans nos sociétés qui est importante, même aujourd'hui, car si l'art nous trompe, il est dangereux. Pourtant, l'art ne peut pas être qu'une simple illusion, puisque l'oeuvre qui est créée existe dans la réalité. Les rapports entre art et illusion semblent donc très complexes et s'inscrivent dans une pensée globale sur la nature de l'art (l'art ne serait-il qu'une illusion ?), sur sa finalité (L'art a-t-il pour vocation de nous tromper ?) ou sur son avenir (si l'art est trompeur, il est dangereux, ne doit-on pas s'en méfier ?). C'est donc une réflexion très ancienne et qui est au centre des interrogations sur l'art et sur son essence.
S'il parait tentant de réduire l'art à l'illusion on peut se rendre compte que les rapports entre art et illusion sont complexes voire paradoxaux : et si l'art se servait de l'illusion pour nous montrer des vérités ? (...)
[...] On parle ainsi de l'art d'un potier, d'un menuisier, de l'art de cuisiner, et même de l'art de l'illusion. Ainsi, l'art de peindre ou d'écrire, l'art de faire de l'art ne semble pas aussi facile que le prétend Platon qui voit l'art comme un simple reflet, et s'il est vrai que pour représenter un lit, le peintre n'a pas besoin de connaitre l'art du menuisier, il doit en revanche savoir dessiner et peindre : le savoir du peintre n'est pas si illusoire qu'on ne pourrait le penser. [...]
[...] Peut-on alors trouver un art sans aucune illusion, si même l'art surréaliste possède une part d'illusion ? Si on regarde du coté de l'art égyptien, on peut se rendre compte que les bas reliefs ne représentent pas le sensible tel qu'on le voit, mais avec des proportions idéales. C'est un art schématique qui fixe la représentation dans une forme d'hiératisme, sans soucis de réalisme : les épaules sont vues de face, alors que le visage est de profil, comme le bas du corps. [...]
[...] Dans ce cas, l'illusion ferait partie de l'essence de l'art. En effet, dans l'art, la dimension de vraisemblance est importante (même dans l'art égyptien qui apparait, de premier abord, loin de la réalité, on retrouve les caractéristiques de l'homme, et on ne le représente pas avec un bras à la place du nez par exemple) : Le rôle du poète est de dire non pas ce qui a lieu réellement, mais ce qui pourrait avoir lieu dans l'ordre du vraisemblable écrivait Aristote dans la Poétique (Chapitre montrant ainsi l'importance de la vraisemblance. [...]
[...] C'est ainsi qu'opèrent les utopies. Etymologiquement, l'utopie est le lieu qui n'existe pas, un lieu que beaucoup d'artistes définissent à leur gout pour en faire un monde idéal, un monde qu'il faut réaliser. Forcément, le recourt à l'illusion est nécessaire : il faut donner l'illusion que ce lieu peut exister pour insister les hommes à œuvrer en ce sens (quelque part, une utopie est une sorte d'illusion, car le lieu qu'elle présente n'est pas réel pour tous.) L'art, aidé de l'illusion, apparait donc non seulement comme une source de connaissance, mais aussi comme un efficace moyen pour soutenir des idées ou combattre ce que l'artiste pense injuste, d'où l'importance pour l'art de persuader ses spectateurs, et donc d'avoir recourt à l'illusion. [...]
[...] L'art semble donc bien être une illusion, dans le sens où ce qu'il montre n'est pas un objet sensible, mais son imitation. Cependant, l'illusion n'a pas toujours vocation à tromper les sens : dans le cas de l'eikon, l'art ne cherche pas à nous duper, mais à imiter la nature. Néanmoins, on peut se demander si une telle démarche est utile. En effet, pourquoi imiter la nature quand celle-ci est devant nos yeux, entière et réelle face à l'œuvre qui est dégradée car seconde par rapport à ce qui existe ? [...]
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