Van Gogh, le suicidé de la société a été écrit par Antonin Artaud, suite à sa lecture d'un article du docteur Beer, croyant déceler chez le peintre une schizophrénie « du type dégénéré ». Et Evelyne Grossman de commenter : « Non, Van Gogh n'était pas fou, répète Artaud, ou alors il l'était au sens de cette authentique aliénation dont la société ne veut rien savoir, […] elle qui taxe de folie les visions exorbitées de ses artistes et étouffe leur cri dans le « papier imprimé ». […] Or, affirme-t-il, la poésie de tous ces aliénés, de ces suicidés de la société, est vraie. Ils font plus qu'évider la langue, ils parviennent à trouer la pensée. » Ainsi, si technique et artisanat semblent bien pouvoir se passer de la personnalité de leur « producteurs », l'art lui, allie cette triple exigence de personnalité, de savoir-faire et de talent. Et c'est cette différence fondamentale qui fait qu'ordinairement, la société fait des artistes des marginaux, au sens fort de ceux qui sont « en marge » de la société, de ce qu'on appelle « la réalité ».
[...] Si l'art nous fait sortir d'une réalité, il nous ouvre une porte vers la réalité. [...]
[...] L'art serait alors un médiat entre la nature et l'esprit, l'intellect. Ainsi, il faut comprendre l'art comme un moyen, un médiat qui permet de garder contact avec la réalité. Il est un moyen de transition entre un état de fuite, un état que l'on pourrait qualifier de dérivatif, et un état d'attachement à la réalité. L'artiste est donc animé par ce que l'on appelle le principe de réalité ce qui corrige le principe de plaisir en adaptant les pulsions aux contraintes extérieures. [...]
[...] Cela serait étonnant. L'art ne semble à priori, pas être en mesure de changer le rapport à la réalité du spectateur, si sa volonté s'y oppose, ou du moins s'il n'y a pas recherche d'explication et volonté de compréhension. Néanmoins, en ce qui concerne l'artiste lui-même, la question semble susciter davantage de polémiques. Peut-on penser que l'artiste fuit la réalité, que l'art lui offre un refuge ? Ou bien existe-t-il une volonté de l'artiste de poser un autre regard sur les choses, de créer une œuvre qui offre des perspectives jusqu'alors inaccessibles ? [...]
[...] La représentation de l'art résulte donc d'un décalage de trois degrés d'avec les formes intelligibles : on passe successivement de la forme intelligible à l'objet sensible, puis de l'objet sensible à l'objet représenté. L'art est alors un danger pour qui veut rester en contact permanent avec la réalité. Le plaisir d'agrément qu'il peut provoquer peut entraîner une déliaison avec le monde, avec le réel. Mais si l'art est en effet en décalage avec la réalité au sens de ce qui est perceptible directement, il est peut-être celui qui permet d'accéder à la réalité par un autre chemin. [...]
[...] Il doit être réellement fidèle à sa propre nature. Il doit éviter comme la mort d'emprunter les yeux et les sentiments d'un autre homme, si grand qu'il soit ; car alors les productions qu'il nous donnerait seraient, relativement à lui, des mensonges et non des réalités. Il y a donc bel et bien un souci d'adéquation de l'art avec la réalité, mais cette réalité doit en passer par les impressions internes de l'artiste. L'artiste observe le monde, l'intériorise, et va recréer le monde dans son œuvre. [...]
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