Né à Paris en 1859 dans une famille juive, cet homme discret, élève de l'École normale supérieure, est agrégé de philosophie en 1881. En 1889, alors qu'il enseigne depuis quelques années, il soutient une thèse remarquable (Essai sur les données immédiates de la conscience). Après avoir été professeur au lycée Henri IV, il est nommé, en 1900, à la chaire de philosophie antique du Collège de France. Durant quatorze années, son enseignement captive les foules qui se pressent pour l'écouter développer les thèses de L'Évolution créatrice (1907), dans laquelle sa philosophie de la vie est exposée. Ambassadeur auprès du président des États-Unis durant la guerre, il reçoit le prix Nobel en 1927. Chrétien de coeur mais ayant refusé le baptême pour rester au nombre de ceux qui « demain seront les persécutés », il meurt en 1941 des suites d'une longue maladie (...)
[...] L'Art crée un effet incomparable et unique et puis il passe à autre chose. La Nature, elle, oubliant que l'imitation peut devenir la forme la plus sincère de l'inculte, se met à répéter cet effet jusqu'à ce que nous en devenions absolument las. Il n'est personne, aujourd'hui, de vraiment cultivé, pour parler de la beauté d'un coucher de soleil. Les couchers de soleil sont tout à fait passés de mode. Ils appartiennent au temps où Turner était le dernier mot de l'art. Les admirer est un signe marquant de provincialisme. [...]
[...] Ils sont devenus le pur maniérisme d'une clique, et le réalisme exagéré de leur méthode donne la bronchite aux gens stupides. Là où l'homme cultivé saisit un effet, l'homme d'esprit inculte attrape un rhume. Soyons donc humains et prions l'Art de tourner ailleurs ses admirables yeux. Il l'a déjà fait, du reste [ ] Là où elle nous donnait des Corot ou des Daubigny, elle nous donne maintenant des Monet exquis et des Pissarro enchanteurs. En vérité, il y a des moments, rares il est vrai, qu'on peut cependant observer de temps à autre, où la Nature devient absolument moderne. [...]
[...] La libération du regard que nous enseigne la fréquentation des œuvres d'art dessine un programme qui, aux yeux de Bergson, n'est rien moins que philosophique, ou à tout le moins conforme à l'idée qu'il se fait du rôle de la philosophie : Ce que la nature fait de loin en loin, par distraction, pour quelques privilégiés, la philosophie, en pareille matière, ne pourrait-elle pas le tenter, dans un autre sens et d'une autre manière, pour tout le monde ? Le rôle de la philosophie ne serait-il pas ici de nous amener à une perception plus complète de la réalité par un certain déplacement de notre attention ? Il s'agirait de détourner cette attention du côté pratiquement intéressant de l'univers et de la retourner vers ce qui, pratiquement, ne sert à rien. [...]
[...] Idéalisme et réalisme sont associés comme le moyen et la fin : C'est à force d'idéalité seulement qu'on reprend contact avec la réalité. Autant dire que sans idéalisme, l'objectif réaliste ne saurait être atteint puisque : Remarquons que l'artiste a toujours passé pour un idéaliste On entend par là qu'il est moins préoccupé que nous du côté positif et matériel de la vie. C'est, au sens propre du mot, un distrait Pourquoi, étant plus détaché de la réalité, arrive-t-il à y voir plus de choses ? [...]
[...] Bergson ne va pas jusque-là, mais il est permis de trouver une certaine communauté d'inspiration (sinon de style) chez les deux auteurs, dans l'idée selon laquelle la beauté du monde, ne nous est enseignée que du fait de l'art. [ ] On ne voit quelque chose que si l'on en voit la beauté. Alors, et alors seulement, elle vient à l'existence. A présent, les gens voient des brouillards, non parce qu'il y en mais parce que des poètes et des peintres leur ont enseigné la mystérieuse beauté de ces effets. Des brouillards ont pu exister pendant des siècles à Londres. J'ose même dire qu'il y en eut. [...]
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