Condition, sujet humain, monde contemporain, analyse, question, êtres humains, facultés rationnelles, ère numérique, rapport au temps, force collective, pouvoir d'interrogation, état collectif
Dans les premières lignes de La Politique, Aristote définit l'homme comme un « animal politique » (zoon politikon). C'est dire, d'une part, qu'il est capable, à un plus haut degré que les abeilles par exemple, de s'organiser dans une structure collective complexe qui agrège des individus épars (dans une polis, étymologiquement une cité), et, d'autre part, que cette construction d'un ensemble lui est naturelle. Or, cet état de fait ne saurait mettre l'homme à l'abri d'évolutions et d'événements qui le dépassent, dont la cause peut être tout aussi bien naturelle que culturelle, au sens large.
Qu'est-ce qui nous arrive ? Cette question, si simple en apparence, renferme une quantité d'enjeux et de présupposés, et nous conduira à mettre en évidence, sous les lumières d'une analyse aussi rigoureuse et concrète que possible, les phénomènes les plus marquants du monde contemporain. L'énonciateur de notre interrogation présente trois caractéristiques saillantes.
[...] Pour la tradition humaniste, la curiosité et la capacité de transmettre des connaissances entre les générations autrement que par l'intermédiaire oral et au-delà des premières cellules socio-familiales, constituent aussi bien le privilège que la joie de l'être humain. Cependant, l'arrivée d'Internet engendre une mutation des connaissances et de notre rapport à elles certainement plus grande que l'invention de l'imprimerie par Gutenberg autour de 1450. Si ce dernier causa une révolution dans la diffusion des savoirs par les livres imprimés qui inquiéta déjà ses contemporains, à tort de notre point de vue contemporain, la révolution qu'est Internet est vraisemblablement sans commune mesure avec celle de l'imprimerie. Pourquoi ? Qu'est-ce qui nous arrive à l'ère du numérique ? [...]
[...] Accepter que nous ne sommes pas des machines, savoir se déconnecter d'elles, tant elles ont tendance à nous solliciter en dehors de notre temps de travail, c'est-à-dire s'aménager un espace pour soi et ses proches, sont des voies de remède à ce sentiment de manque chronique de temps. Enfin, si tant de créations humaines, la culture et la civilisation en un mot, ont pour effet de nous dépasser au point où nous nous interrogeons : « qu'est-ce qui nous arrive ? », nous devons, individuellement, collectivement et historiquement nous sentir responsables des événements qui nous arrivent. [...]
[...] Ces outils technologiques trouvent alors toute leur place dans le monde professionnel, de sorte à ce que le travailleur puisse s'occuper à des tâches plus importantes et dont seul l'homme, et non la machine, est soi-disant capable. Le rythme général de production s'accélère ; qui produit plus, gagne plus d'argent, peut consommer plus de biens, s'acheter plus de repos. Voilà l'équation ou l'économie de notre temps. Nous constatons cependant que nous ressentons le sentiment de ne jamais avoir assez de temps à notre disposition. La technologisation de notre environnement, l'encadrement législatif sur la durée du travail et le droit au repos ainsi qu'aux vacances ne semblent rien y faire. [...]
[...] Celui ou celle qui pose la question : « Qu'est-ce qui nous arrive ? » est un sujet cosmopolitique, fruit de la mondialisation, qui ne limite pas sa conception du « nous » à une cité pour ainsi dire provinciale, isolée et indépendante des événements du monde. D'ailleurs, qu'est-ce que ce « ce », pronom indéterminé, à la source des choses qui « nous arrive[nt] » ? Nous serons amenés, en filigrane, à réfléchir au sens et à la valeur du mot « événement » même. [...]
[...] En somme, seul l'esprit critique, la connaissance du fonctionnement des outils numériques et, pourquoi pas, la lecture d'objets physiques, peuvent nous aider et nous soutenir face à « ce qui nous arrive ». La conscience du passage du temps et de ses effets est vraisemblablement une autre dimension propre à l'homme ; il sait que son temps sur terre est limité, et face à l'angoisse de la disparition, du néant, il a pu envisager des formes de vie au-delà de la mort, ce qu'on appelle des eschatologies, dont les religions sont les principales pourvoyeuses. [...]
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