La controverse entre Aristote et Antisthène, dont Aristote rapporte l'objection principale dans l'extrait de Métaphysique H que nous avons étudié, se situe dans le domaine du rapport entre langage et être, et peut se problématiser comme suit : comment penser ce rapport et quelles limites donne-t-il au pouvoir signifiant du langage ?
Si Antisthène pense leur identité radicale sous peine de réduire à rien le pouvoir signifiant du langage, Aristote, au contraire, pour étendre ce pouvoir signifiant doit introduire une scission au sein de l'être.
Alors Antisthène est tout à propos de reprocher à Aristote son manque de rigueur logique comme négation du principe d'identité de l'être avec lui-même. Au contraire Aristote a découvert la logique au sein du discours attributif, lieu de la scission de l'être. Finalement la perspective aristotélicienne pour penser cette scission de l'être et du langage auquel elle donne lieu permettra d'intégrer la logique d'Antisthène comme un cas particulier. Celui-ci devra nier Aristote pour ne pas faillir.
[...] Le discours propre défini par Antisthène est un discours tautologique comme seule possibilité de discours vrai. On peut aussi le déduire à partir de deux thèses d'Antisthène : le discours propre comme seul discours possible et l'impossibilité de définir qu'Aristote attribue à Antisthène en Métaphysique H Un discours propre qui ne s'énoncerait pas dans une pluralité de termes définit un discours tautologique. En Métaphysique ( * , Aristote propose comme objection aux thèses d'Antisthène la possibilité qu'un discours soit à la fois le discours propre d'un objet et aussi conforme à un autre que lui-même. [...]
[...] Aristote dans cette perspective est celui qui concilie ces deux thèses. D'une part, l'être immuable est antérieur au langage et le fonde mais ne lui correspond pas exactement, car l'homme peut produit le langage, non comme l'Être, mais comme sens, permettant le meilleur comme sens le plus proche de l'être. La pensée ouvre la sphère de la relativité de l'être et du langage qui a elle-même pour fondement l'être immuable. Aristote sort vainqueur de cette joute qu'Antisthène aurait voulu simplement verbale. [...]
[...] Dans les quatre premières lignes de In Met ( * Alexandre nous dit que non seulement qu'il est impossible de faire un discours faux, mais aussi que tout discours du moment où il est discours sur quelque chose, énonce le discours propre de cette chose. Mais comme d'autre part seul le discours tautologique est un discours propre, cela nous mène à la conclusion que le seul énoncé valide est le mot. Tout énoncé, c'est-à-dire le seul mot, énonce toujours le vrai, c'est dire comme le dit le Cratyle 429c-430a* que le mot convient réellement à l'être qu'il énonce. [...]
[...] Et ici une précision s'impose, comme l'avait bien fait remarquer Platon dans le Sophiste * , l'énoncé tautologique est bien homme homme et non-homme est homme et peut être même homme tout court. Car en fait cette logique de l'identité veut que chaque mot soit un énoncé indépendant qui n'a besoin d'aucune référence si ce n'est à lui-même comme identité avec l'être qu'il énonce. Le discours le plus long est le mot, le discours s'arrête au mot, car tout est dit ! Comme pour Parménide, l'être est tout entier est d'un seul tenant. Et dans le Cratyle 385b * tout discours doit être soit entièrement juste soit entièrement faux. [...]
[...] Aristote ou Antisthène La controverse entre Aristote et Antisthène, dont Aristote rapporte l'objection principale dans l'extrait de Métaphysique H que nous avons étudiés, se situe dans le domaine du rapport entre langage et être, et peut se problématiser comme suit : Comment penser ce rapport et quelles limites donne-t-il au pouvoir signifiant du langage ? Si Antisthène pense leur identité radicale sous peine de réduire à rien le pouvoir signifiant du langage, Aristote, au contraire, pour étendre ce pouvoir signifiant doit introduire une scission au sein de l'être. [...]
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