Arbitraire de l'ordre, dictionnaire philosophique, choix du dictionnaire, Voltaire, instrument de la raison, dictionnaire, Encyclopédie, les Lumières
« C'est une espèce de dictionnaire dont les articles sont courts, mais où il y en a un grand nombre de très plaisants et de très salés. » (Lettre d'Alembert à Voltaire, 14 août 1767). Le 18e voit naître l'âge d'or des dictionnaires, à l'instar du dictionnaire dit « philosophique ». Même les Lumières s'y essaient, dont Voltaire, qui, non satisfait d'apporter sa contribution à l'Encyclopédie, publie en 1764 son propre ouvrage : Le Dictionnaire philosophique. Déjà douze ans auparavant, soutenu par Frédéric II, ce projet d'un ouvrage alphabétique naissait dans l'esprit du philosophe de la tolérance dans un seul objectif : lutter contre le fanatisme. Contrastant avec la narration romanesque, le dictionnaire ne se veut pas fictif, et donne déjà l'image d'un ouvrage sérieux, intellectuel et objectif. Dès lors, la question d'une pensée raisonnée transmise par alphabet se pose. L'oeuvre voltairienne semble nier toute organisation et toute structure dans la pensée du dictionnaire, qui se veut foisonnante, et donne l'apparence d'une dispersion involontaire, ou du moins non réfléchie préalablement.
[...] Le choix d'une disposition sans logique apparente était d'emblée contradictoire puisqu'il est évident que l'œuvre témoigne d'une unité thématique. Entre ordre et désordre, entre arbitraire et recherché, le choix d'une succession par ordre alphabétique d'articles variés relève en réalité du goût de l'écrivain pour la brièveté, la pertinence et l'efficacité. Même si la volonté première du texte- clarté et brièveté- n'a pas abouti en certains points, il n'en demeure pas moins que la forme du dictionnaire a permis d'allier diversité de formes et de contenu avec unité de matière : le fanatisme religieux, par le biais de ponts intertextuels, de répétitions, d'échos, de rappels, qui font du lecteur un participant critique et actif. [...]
[...] Le mobile prévu pour le dictionnaire philosophique serait raisonné tout en gardant sa forme déconcertante intentionnelle. I - Arbitraire de forme et de thème : ambiguïté apparente du classement des articles Le classement alphabétique comme esthétique de la complétude Le lecteur n'attend pas de Voltaire ce curieux ouvrage aux prétentions moindres pour un tel agitateur. Apparemment dénuée de cohérence quant à sa structure, l'œuvre philosophique semble être l'aboutissement d'un arbitraire total. En effet, le choix du dictionnaire suppose un classement d'idées qui se veut arbitraire, puisque la logique de la disposition des lettres de l'alphabet elle-même est arbitraire : aucune raison ne justifie que les lettres qui le composent soient établies dans cet ordre davantage que dans un autre. [...]
[...] Un dictionnaire détourné au profit de l'inspiration Le dictionnaire philosophique : un genre inclassable ? III Le choix du dictionnaire comme instrument de la raison La raison par [l'] alphabet Cohérence et orientation du contenu Conclusion Introduction C'est une espèce de dictionnaire dont les articles sont courts, mais où il y en a un grand nombre de très plaisants et de très salés. (Lettre d'Alembert à Voltaire août 1767.) Le voit naître l'âge d'or des dictionnaires, à l'instar du dictionnaire dit philosophique Même les Lumières s'y essaient, dont Voltaire, qui, non satisfait d'apporter sa contribution à l'Encyclopédie, publie en 1764 son propre ouvrage : Le Dictionnaire philosophique. [...]
[...] Le lecteur est à même de faire le lien entre plusieurs thématiques qui se dégagent dans le dictionnaire. Plusieurs articles se répondent : réflexion sur l'individu, la religion [dogmes, institutions, textes], et l'unité de jeux intertextuels permet de distinguer toujours la même cible : l'infâme C'est l'esprit critique qui donne un sens, une raison à ce dictionnaire, puisque de manière originale c'en est un qui tend à faire réfléchir : Monsieur et cher ami, quoiqu'il y ait beaucoup de livres, croyez-moi, peu de gens lisent ; et parmi ceux qui lisent, il y en a beaucoup qui ne se servent que de leurs yeux. [...]
[...] La forme du dictionnaire aura permis de déjouer la méfiance du public averti de la ferveur révolutionnaire voltairienne, puisqu'elle met en confiance et témoigne de l'objectivité d'un savoir froid et sans jugement. C'est sans compter sur l'habileté du virtuose qui a toujours su détourner les attentes de son lecteur. Malgré l'éloignement d'articles qui touchent à un thème similaire, et, à l'inverse, la juxtaposition d'articles dont le sujet traité n'est pas le même (transition Amour-Anthropophages : Nous avons parlé de l'amour. Il est dur de passer de gens qui se baisent à gens qui se mangent. le lecteur intelligent parvient à en extraire l'essence majoritaire. [...]
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