L'opinion commune nous incite à nous défier des apparences à travers différents proverbes ou expressions : « Ne pas se fier aux apparences », « les apparences sont souvent trompeuses », « L'habit ne fait pas le moine », « tout ce qui brille n'est pas d'or »… L'apparence est ainsi mise en doute et envisagée de façon nettement péjorative puisqu'elle s'opposerait à la réalité ; perçue par nos sens, elle est l'aspect d'une chose, mais un aspect considéré comme différent de l'objet correspondant. L'adjectif « apparent » a ainsi une nuance péjorative que l'on ne peut s'empêcher d'entendre : quelque chose d'apparent est quelque chose qui n'est pas ce qu'elle paraît être. Par conséquent, celui qui se fie aux apparences est considéré comme quelqu'un de naïf, de même que celui qui s'y complaît, comme quelqu'un de vain. Mais leur non coïncidence avec la réalité dont elles sont l'aspect, n'est pas le seul reproche que l'on puisse faire aux apparences : elles sont aussi considérées comme diverses, changeantes et instables. L'emploi du terme d'apparence au pluriel dans les proverbes ou expressions cités ci-dessus, le souligne. Ainsi, ce que nous voyons grand de près nous paraîtra petit de loin, ce que nous trouvons chaud paraîtra froid à d'autres, une personne que nous trouvons belle deviendra laide en vieillissant, etc. Autrement dit, l'apparence ne constitue pas une base sûre pour celui qui perçoit. Cependant, et, là encore, les proverbes le mettaient en avant, si l'apparence est dite « trompeuse », c'est qu'elle n'est pas systématiquement fausse : elle l'est « souvent », mais pas toujours. En effet, si l'apparence était toujours fausse, le tri serait facilité dans la mesure où l'on pourrait la rejeter systématiquement. Au contraire, le tri s'avère difficile, justement parce qu'elle n'est pas entièrement fausse. Il ne s'agit donc pas de la critiquer de façon radicale mais, au contraire, de comprendre quelle relation elle entretient avec la réalité. Puisqu'elle est « trompeuse », quelle part de vrai contient-elle et comment faire le tri ? Car, il ne faut pas caricaturer la situation, nous vivons dans les apparences, dans la mesure où notre rapport au monde se fait par l'intermédiaire de nos perceptions, ce n'est pas pour autant que nous vivons dans l'erreur. Ce qu'il faut comprendre, c'est dans quelle mesure nous pouvons nous fier à l'apparence et quels rapports elle entretient avec la réalité.
[...] Le cas de l'illusion d'optique, fabriquée à dessein pour tromper nos sens, est révélateur du mécanisme des apparences. En effet, le trompe-l'œil s'appuie à la fois sur notre confiance spontanée dans les apparences, pour nous tromper, et sur l'ambiguïté assumée de ces mêmes apparences, pour nous inciter à les remettre en cause, et ainsi à entrevoir l'illusion. Ainsi, c'est lorsque que les apparences ne se donnent pas comme des apparences, mais comme des réalités, que, spontanément, nous nous y fions, comme les prisonniers, ligotés dans la caverne, se fient aux ombres qu'ils voient. [...]
[...] Nous appelons par exemple du même nom de chien des animaux aux apparences très diverses. Un chien peut être grand et à poil long ou petit et à poil ras, il s'agit toujours d'un chien. C'est donc que nous pouvons atteindre, par-delà la diversité des apparences possibles du chien, une unité qui nous permet de tous les appeler du même nom, et il en est de même de toutes les apparences. L'unité n'est alors plus du domaine des apparences : nous ne la percevrons jamais avec nos sens, nous ne pouvons en voir que les diverses apparences. [...]
[...] Il ne s'agit donc pas de séparer radicalement les deux domaines ni de rejeter les apparences comme impropres à la réflexion. Il faut tout d'abord comprendre que les apparences fonctionnent comme des illusions et non comme des erreurs. Lorsque nous corrigeons une erreur, lorsque cette erreur est comprise, nous sommes sensés ne plus la refaire. Le vrai ou le juste se substitue au faux, à l'erroné. Corriger une faute d'orthographe c'est substituer la bonne orthographe à une orthographe erronée. Une fois la substitution effectuée, l'erreur a disparu. [...]
[...] Puisqu'elle est trompeuse quelle part de vrai contient-elle et comment faire le tri ? Car, il ne faut pas caricaturer la situation, nous vivons dans les apparences, dans la mesure où notre rapport au monde se fait par l'intermédiaire de nos perceptions, ce n'est pas pour autant que nous vivons dans l'erreur. Ce qu'il faut comprendre, c'est dans quelle mesure nous pouvons nous fier à l'apparence et quels rapports elle entretient avec la réalité. Socrate raconte une histoire (La République, début du livre dans laquelle il compare les hommes à des prisonniers prenant les ombres qu'ils voient pour la réalité. [...]
[...] Le prisonnier refuse de croire que ce qu'il voyait jusque-là n'étaient que des ombres, que les objets qu'on lui montre, passant et repassant au dessus du muret, sont la réalité dont il ne voyait jusque-là que l'ombre Il préfère presque retourner dans la caverne où il lui semble que ce qu'il voyait était plus réel que ce qu'on lui montre maintenant. Le prisonnier a en effet besoin d'accoutumance : il se délivre progressivement des apparences. Il comprend peu à peu que ce qu'il prenait pour des réalités n'étaient en fait que les ombres d'objets réels. Il sera heureux alors et plaindra ceux qui sont restés dans la caverne. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture