Antonin Artaud, abolition des différences entre art et vie, théâtre, faire de l'art, esthétisme, attitude philistine, sociétés de consommation, idéal européen de l'art, dandysme, textes artaldien, rejet de l'esthétisme, figure d'Héliogabale, anarchiste couronné, Nietzsche, histoire et art, quête mythico-mystique, unité, acteur, spectateur, scène, auto-engendrement
Qu'entendit Artaud par « art » – par « vie » ? Une expression, employée par ce dernier à plusieurs reprises, peut laisser penser que la séparation est radicale entre l'une et l'autre : « Faire de l'art, peut-on lire dans une lettre à M. Dalio, faire de l'esthétisme, c'est viser à l'agrément, à l'effet furtif, extérieur, passager ». Cependant, l'expression « faire de l'art », répandue au XXème siècle, était alors très péjorativement connotée : faire de l'art, en ce sens, revenait à s'adonner à un jeu – à l'agrément, à l'effet extérieur, à l'esthétisme – et, par-là, à séparer, par le biais de l'artifice, l'art de la vie. Artaud fit, lui, au contraire, systématiquement usage – sauf pour l'expression consacrée « faire de l'art » – du terme « art » comme un pendant ou comme l'envers de la vie : ainsi dénonça-t-il « l'infirmité spirituelle de l'Occident, qui est le lieu par excellence où l'on a pu confondre l'art avec l'esthétisme ».
[...] Le Livre de Poche, « Les Classiques de la Philosophie » NIETZSCHE, La philosophie à l'époque tragique des Grecs, tr. M. Haar & M. B. de Launay, Paris, Gallimard, coll. Folio essais NIETZSCHE, Friedrich, Seconde considération intempestive, tr. H. [...]
[...] Antonin Artaud et le(s) sens de l'abolition des différences entre art et vie I. Introduction Artaud fit-il de sa vie une œuvre d'art ? Avant de préciser le sens de cette question, posée abruptement, venons-en à deux extraits d'entretiens menés à l'instigation d'Alain et Odette Virmaux, respectivement avec Marianne Lams et Marcel Bisiaux. Commençons par l'entretien avec M. Lams : [Réponse]. - [Artaud] était un véritable chat sauvage. Très inégal d'humeur, très nerveux. [...]
[...] Or, après la publication d'Héliogabale en 1934, i.e. dès les années mexicaines et pendant et jusques après les années asilaires, de telles préoccupations apparaîtront nettement. La plus symptomatique, qui est aussi la plus connue - grâce ou à cause de Deleuze, tant il la déforme ou se la réapproprie - , est celle du « corps sans organes ». Un tel corps, corps atomique, corps-un, corps non découpé d'organes, est un corps mythique, auquel Artaud voulut revenir et dont l'existence remonte . [...]
[...] Le théâtre et la figure d'Héliogabale. L'objet de cette troisième partie ne sera pas la conception artaldienne du théâtre en tant que telle ; contentons-nous de souligner que, le théâtre étant un art, Artaud put logiquement soutenir ou espérer qu'« entre la vie et le théâtre, on ne trouvera plus de coupure nette ». Or, et c'est ce qui en premier lieu nous retiendra, « la vie d'Héliogabale est théâtrale ». Ainsi, Héliogabale ou l'anarchiste couronné sera la mise en œuvre du refus de la séparation entre la vie et l'art en particulier, et plus généralement, ou plus précisément, la mise en œuvre de ce que l'on pourrait appeler une quête de l'unité - quête mythico-mystique dont le sens émergera au fil des paragraphes à venir, et qui s'oppose, à tous points de vue, à ladite séparation entre art et vie. [...]
[...] Le premier ressortit au fait qu'Artaud refusa « l'histoire qui enregistre des faits, [qui] est un simulacre de raison morte ». À l'opposé d'une telle histoire, se tient l'histoire telle que non seulement la conçut mais encore la pratiqua Artaud dans son Héliogabale : histoire symbolique, mythique et qui par-là redonne sa couleur de vie au platement historique, aux faits. Une telle façon de faire de l'histoire, qui renvoie par ailleurs au strict rejet de l'instruction par opposition à la culture (véritable), rapproche une nouvelle fois Artaud du Nietzsche de la seconde considération intempestive, dans la mesure où l'un comme l'autre refusent toute histoire qui ne servirait pas la vie : « Nous avons besoin, soutient Nietzsche, de l'histoire pour vivre et pour agir, et non point pour nous détourner nonchalamment de la vie et de l'action [ . [...]
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