La science est omniprésente dans le monde que nous habitons, au point que ses produits les plus familiers nous sont devenus aujourd'hui presque invisibles et que certaines de ses représentations font désormais partie du sens commun. Pourtant même si la science, du latin scientia, est synonyme de connaissance, on connaît bien peu ou mal ce qu'est la science. Or, comprendre la science revient à comprendre le monde, physique et symbolique, dans lequel nous évoluons.
Le problème de définition de la science trouve son origine dans la double appréhension qu'elle suscite : nous sommes passés d'une science, pensée comme objet, à savoir la connaissance de l'universel et du général, à une science comme théorie de la connaissance où chaque discipline se constitue comme une source de savoirs spécifiques (mathématiques, sciences naturelles, sciences humaines et sociales).
Cette vision de la science à l'échelle disciplinaire a permis aux scientifiques de développer des outils et des méthodes propres à leurs objets d'études, dans le cadre de leurs domaines respectifs. Mais cette spécialisation a contribué aussi à creuser un plus grand écart encore entre l'homme et la science, ce qui rend le problème d'une définition encore plus complexe à l'heure où naissent de nouveaux champs de recherche (de l'infiniment petit à l'infiniment grand ) et de nouvelles utilisations de la science.
Dès lors, comment faire pour la comprendre ? Comment, sinon par le biais d'une image, revenir à un objet matériel pour mieux saisir l'énigmatique ?
[...] La notion de partage des connaissances comme outil de légitimité aux yeux de tous n'est pas allée de soi et a nécessité une première construction sociale de la démarche scientifique. Pour confronter les savoirs, la communauté scientifique a dû s'accorder sur une mesure de comparaison commune, sur des conventions institutionnalisées[28]. Il convient toutefois de nuancer la notion d'objectivité des lois scientifiques en ce qu'elles doivent être validées par une certaine communauté de scientifiques. L'histoire des sciences est l'invention de dispositifs visant à mobiliser les connaissances du monde, à les synthétiser, pour les transmettre. [...]
[...] Nous faisons ici référence à la célèbre allégorie de la borie de Bruno Latour, dont l'idée est reprise dans La science en action, (La Découverte, Paris p. 75) : le statut d'un énoncé dépend des énoncés ultérieurs qui l'établissent ou l'infirment Bachelard déjà avait choisi une image similaire en comparant la science au mur de son jardin où les pierres, astucieusement combinées, ici un saillant contre un rentrant, là deux faux plats en contact permettent la solidité de la structure (J. M. Levy Leblond, Impasciences, op. cit., p. 7). [...]
[...] L'image de la bouteille de champagne en forme d'entonnoir inversé va nous permettre de mieux comprendre le processus de construction de la pensée scientifique, qui ne peut se développer et émerger que sous une mise en forme La forme de la bouteille nous permet d'illustrer la pensée scientifique dans sa dimension méthodologique, en soulignant les contours contraignants d'une méthode qui contrôle la recherche mais qui en constitue, en même temps, l'unique condition de possibilité[4] : il ne peut y avoir de science sans méthode. La bouteille, outre sa forme qui prête au filtrage, fait avant tout office de conditionnement imperméable : les recherches en sciences sont cadrées, leur champ délimité, leur objet déterminé dans un contexte précis et duquel la recherche ne peut pas s'extraire si elle veut prétendre à la reconnaissance scientifique. De plus, en science les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes, il faut savoir les poser[5]. C'est précisément dans ce sens qu'il faut comprendre l'essence de l'esprit scientifique. [...]
[...] Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance, (éditions du Seuil, Paris, 1988) accuse la méthode scientifique d'être un dogme. Puisque tout est bon, on n'a pas le droit de comparer les théories entre elles. Ces théories n'ont pas le même contexte de solution, et ne répondent pas aux mêmes questions. Le bouchon des bouteilles de champagne est d'ailleurs mis en place par compression. Ce bouchage en force permet de s'assurer que le bouchon ne sautera pas tout seul, sous la pression du gaz contenu dans le vin. [...]
[...] L'imprimerie, par exemple, va permettre une diffusion des connaissances sans précédents : elle va rendre accessible le savoir et va fixer, conserver chacune de ses avancées, chacun de ses résultats. J. M. Levy Leblond, Impasciences, op. cit., p Alfred Nobel dans son testament réservait le prix aux auteurs de découvertes contribuant directement au bien être de l'humanité En s'imposant dans l'espace public grâce aux procédés de vulgarisation, ou par le biais des CCSTI, etc. [...]
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