Si l'on considère que notre identité personnelle est une chose aussi fondamentale qu'indispensable pour démarrer toute existence humaine, c'est probablement parce qu'une identité est, bien avant une démarcation factuelle de l'individu au sein d'un groupe social donné, la marque impérissable d'une subjectivité parfaitement assimilée dès les premières années, où le nourrisson sait qu'il existe par un contrôle absolu de ses membres, et son pouvoir de marquer son environnement d'une quelconque manière, souvent en le détériorant. Ainsi en va-t-il de l'homme, qui existe dès qu'il vit. Mais si l'on considère les raisons qui rendent nécessaire la création et l'usage d'une identité, à savoir la vie en interaction au sein d'un groupe d'individus de même espèce, et la prise de conscience d'une subjectivité, la question peut également se poser en ce qui concerne le règne animal. A en croire des philosophes post-humanistes, tel Descartes, l'animal, n'étant définitivement pas doué de raison, est par conséquent dénué d'âme.
[...] Je suis responsable de mes actes, qui sont reconnus au nom de mon identité, de même que mes actes forgent mon identité, du moins mon essence, à en croire l'existentialisme. Outre un organisme fonctionnant, je suis une somme d'actions provenant de la même entité pensante et créatrice. C'est donc exister outre sa chair -l'existence est l'agencement d'une vie rationnelle au sein d'un environnement en partie à l'origine de nos actions, en considérant son propre individu comme une fin en soi, non sa survie. [...]
[...] Prouver que ces critères existent chez eux nous indiquerait-il cette identité sexiste nécessairement, quelle qu'en soit sa forme ? Il conviendra d'analyser les différentes formes d'identité humaines, afin de voir en quel sens elles peuvent différer chez l'animal. Le besoin de chacun d'entre nous d'avoir une identité s'explique bien évidemment pour des raisons pratiques, à partir du moment où l'on connaît au moins une fois au cours de sa vie l'altérité. Plus qu'une façon de dénombrer et démarquer l'individu de la masse, qu'elle soit agrégation ou association, une identité chez l'homme constitue avant tout un moyen artificiel de représenter nominalement l'unicité de l'individu, considéré à partir de son essence, donc irremplaçable et immuable : le signifiant est nécessairement contingent, mais son unicité recherchée, en dépit des homonymes possibles, est censée produire, par son existence même, l'unicité de l'individu qui y est rattaché. [...]
[...] Certaines espèces vivant en société organisée, possèdent également une identité en fonction du rôle joué par l'individu, chose courante chez les insectes tels que la fourmi, l'abeille ou le termite : chaque membre d'une fourmilière, une ruche ou une termitière se définit par son utilité et sa spécialisation - les ouvriers et les soldats agissent souvent de manière innée, et l'on peut même parler de travail sans apprentissage, ce qui signifierait qu'il existe bien une essence prénatale. Chez la fourmi, la femelle qui devient reine d'un nid est nécessairement la seule à être dotée d'une grande paire d'ailes. [...]
[...] Toutes les autres dans le même cas se doivent de s'en débarrasser. Plus surprenant encore, il a été observé il y a quelques années chez le chimpanzé, qui possède le code génétique le plus proche de l'homme, qu'il serait même capable non seulement de reconnaître ses gestes dans le miroir (un environnement naturel lui donnerait un reflet d'eau), mais encore de reconnaître son apparence physique à partir de l'idée qu'il s'en était faite jusqu'ici : des chercheurs ont imposé une tache de peinture verte sur la tête de l'un d'entre eux durant son sommeil, et celui-ci a été fortement surpris par son reflet à son réveil. [...]
[...] En ce sens, l'animal-machine n'a aucunement besoin de marquer son individualité au sein d'un groupe social, dans la mesure où précisément ce groupe ne serait que l'agrégat de plusieurs organismes fonctionnant indépendamment l'un de l'autre, en l'absence de toute intelligence mutuelle et réciproque. Le besoin d'identité n'existerait ni de façon externe, ni de façon interne. Mais une étude observative plus poussée du comportement animal nous révèle tout d'abord que bien des espèces sont capables d'identifier les individus d'un groupe par leur odorat infiniment plus développé que le nôtre. [...]
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