Bien trop souvent l'histoire de la philosophie nous a conté comment aimer, ses manifestations et ses conséquences, sans jamais en chercher le fond. De Platon à Montaigne, et de Pascal à Kierkegaard, chacun nous expose ce qu'il ressent, ce qu'il éprouve, au mieux décrit les mécanismes affectifs dans lesquels il se trouve pris, sans vouloir semble-t-il comprendre, analyser, décortiquer ce qui le meut. Sans doute parce qu'il est plus facile d'en donner des exemples qu'une définition. Toujours comment on est affecté, jamais pourquoi ni par quoi on l'est. Dans ce « quoi » réside un mystère qui ne demande qu'à être percé si l'on veut bien une fois y exercer son entendement et non son cœur.
La problématique de ce mémoire est venue d'une rencontre de deux horizons. Tout d'abord, l'intérêt porté depuis toujours au thème de l'amitié, et l'étonnement et la déception de constater un abandon certain de ce thème dans la philosophie moderne et contemporaine. Si présent dans les philosophies antiques, essentiel critère de bonheur, fondement de la relation avec autrui – individuelle comme politique - , garantie de vertu et de sagesse, le thème de l'amitié hante en effet tous les textes antiques (grecs et latins, comme orientaux) jusqu'à l'époque médiévale et la Renaissance, pour disparaître aujourd'hui. L'amitié tant recherchée, célébrée et même glorifiée tant en littérature qu'en philosophie, qu'elle soit celle des grands hommes, des héros mythologiques, ou de simples inconnus, tombe en désuétude, en disgrâce même, jusqu'à son oubli total. On la trouve molle, mièvre, inefficace, inférieure en termes de plaisir à la passion amoureuse, et moins romantique que celle-ci. Alors elle semble éclipsée par l'amour, par le vocable en tous cas, lui-même largement déprécié, dans une vision globalisante de tout mouvement affectif.
[...] Aussi, défini avant tout comme être autonome, autosuffisant et tirant son essence propre de cette suffisance à soi-même, du contentement de soi-même (dieu est appelé pensée de la pensée ) Dieu ne saurait avoir d'amis[81]. La divinité, puisque cela est contraire à sa définition même, ne connaît pas l'amitié. Dieu est omnipotent, parfait, et donc autosuffisant. Il ne peut alors avoir d'amis, car ces derniers révéleraient une faiblesse incompatible avec son essence, dans la dépendance à autre chose qu'à Soi-même que sous-tend l'amitié. Celle-ci (et Aristote n'a de cesse de le répéter) est suprêmement humaine, et uniquement humaine (EN VIII, 11). La conception aristotélicienne de l'homme vertueux . [...]
[...] Dutoit , professeur au collège de Saint-Michel de Fribourg, le 21 novembre 1954 à Lausanne. La difficulté qu'Augustin éprouvait à se faire comprendre par les autres a été étudiée par Marie Comeau, dans son Augustin, exégète du quatrième évangile, Paris p°355-360) (L'amitié chez Saint Augustin, M. Aquinas McNamara, p°=162). [355] Tu me connais bien, mais tu ignores à quel point je voudrais jouir de ta présence. Dieu nous accordera un jour ce grand bienfait (Epistulae 9). [356] L'amitié, cette ombre d'une ombre (Eschyle). [...]
[...] Elle n'est ni accidentelle ni contingente. Elle est le fondamental de l'homme vivant par son omniprésence et l'interaction qu'elle crée : sa condition existentielle. Du constat de l'omniprésence de la solitude autour de l'homme, il convient maintenant de donner des raisons de son assimilation à la condition humaine. Si les existentialistes donneront plus tard des explications athées ou agnostiques à cette condition de solitude, Augustin, lui, en fait une analyse théologique. - Une explication existentialiste pour le constat de solitude : La perception intime que l'on a de sa propre solitude n'est sans doute exprimée par personne mieux que par les existentialistes. [...]
[...] Présence pénible, mais aussi positive, comme admonition à se détacher des choses périssables, à agir en fonction de l'au- delà éternel. Dans cette ligne, il est à noter un autre dépassement du simple événement de la mort. Dans les premières œuvres, Augustin fait parfois un lien entre la mort et l'attachement aux choses périssables : l'homme meurt dans la mesure de son attachement à ce qui va disparaître. Nous sommes proches de Platon et d'Aristote, mais il ne s'agit pas d'une simple image. Réellement, une partie de sa personnalité disparaît. [...]
[...] Gauthier, La morale d'Aristote,p°133). [168] La vie est désirable et le bien l'est aussi (EE VII 1245a). [169] L'homme est né pour deux choses : pour penser et pour agir, en Dieu mortel qu'il est (Protreptique, 10c w). [170] Est-ce donc que Dieu prend dans l'homme qui pense une nouvelle conscience de soi ? (L. Ollé-Laprune, Essai sur la morale d'Aristote, p°66). [171] Intime pénétration, et, si je l'ose dire, compénétration de l'humain et du divin, si bien que l'on ne sait plus au juste où l'un commence, où l'autre finit, ce qu'il y a de plus propre à l'homme, par exemple, étant aussi ce qu'il y a de plus divin Ollé-Laprune, Essai sur la morale d'Aristote, p°65). [...]
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