Dans ce texte, Alain compare la passion et la maladie, pour montrer qu'on supporte moins aisément la première parce qu'elle vient de nous et que, en même temps, elle porte en elle « les signes d'une nécessité invincible ». Le problème que pose Alain est donc le suivant : Comment supportons-nous, comment vivons-nous nos passions ? D'où viennent-elles ? (...)
[...] Il y a du supplice dans la passion et le mot l'indique écrivait Alain. Elle est partielle. Alain ne s'attache qu'aux passions négatives et dévastatrices à l'état passionnel. Effectivement, la passion de Phèdre la conduit à la mort. Mais la passion, c'est aussi cette énergie, ce moteur, ce souffle qui permet la réalisation de grandes œuvres ; confère Hegel : Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion ; et on pense à Mozart, Van Gogh, les Curie ou Napoléon. [...]
[...] Que faire contre une passion dont on est soi- même l'origine et qui n'a aucune mesure avec les qualités de l'objet aimé Il n'y a en effet rien de rationnel ni d'objectif dans la passion puisque l'objet n'est pas aimé pour lui-même : mes raisonnements sont sophistiqués et me paraissent bons (l. 13-14). Ils ressemblent à la vérité mais ce n'est qu'une apparence. Le passionné tente de justifier sa passion sans pouvoir y parvenir. C'est ce qu'a montré Hume : la passion et la raison n'occupent pas le même terrain. Prenons l'exemple de la paranoïa de la jalousie. [...]
[...] Phèdre y verra le poids du destin, de la fatalité, des dieux : «C'est Vénus tout entière à sa proie attachée Phèdre déplore sa passion, mais ne peut rien faire contre elle et c'est ce qui lui fera dire à Hippolyte : Seigneur, ma folle ardeur malgré moi se déclare c'est-à-dire malgré sa raison. Dans un second temps, Alain va expliquer pourquoi on supporte mieux la maladie que la passion (ligne 4 à 14). Il y a bien une nécessité aussi dans la maladie, mais il s'agit d'une nécessité extérieure à nous-mêmes. Alors nous nous faisons une raison et tout est bien en nous sauf la souffrance (l.6). Nous essayons de supporter ce mal dont nous ne sommes pas responsables. [...]
[...] Personne n'est dupe et on peut affirmer à ce sujet : Il y a des gageures qu'on ne peut tenir : rationaliser de bout en bout sa passion en est une Dans un troisième temps, Alain conclut son analyse (l.15-fin) sous forme d'image d'abord : Toutes les flèches sont lancées par vous et reviennent sur vous, c'est vous qui êtes votre ennemi Le mal vient du passionné et se retourne contre lui dans une sorte de cercle infernal. Alain récapitule la complexité de la passion en formulant le paradoxe suivant : ma passion, c'est moi et c'est plus fort que moi Cette passion vient de moi mais elle me domine. Ce qui donne à Phèdre le sentiment qu'elle vient des dieux. Je ne peux par conséquent rien contre elle. Comment vivons-nous, comment supportons nous nos passions ? Nous les vivons mal. Nous les supportons moins bien que la maladie, elles nous hantent. [...]
[...] Que proposer face à cette souffrance ? Que cette souffrance soit sublimée dans la création, la recherche, la lucidité, la raison de soi Mais cette raison se veut raisonnable. Cette sagesse est un regard sur la vie, regard qui n'est pas celui du passionné, sauf si sa passion créatrice est à l'œuvre dans l'Histoire. [...]
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