C'est le mouvement des doigts qui délivre le pianiste de sa peur, c'est l'action et non pas la pensée qui nous délivre des passions, pourquoi ? Il s'agit de réfléchir sur la nature de la peur et plus généralement des passions. Si c'est l'action qui nous délivre de la peur, est-ce parce que c'est un phénomène du corps ? (...)
[...] La peur n'est pas simplement un phénomène somatique puisqu'elle peut être excité par le raisonnement. La peur n'est pas qu'un phénomène psychique sinon le raisonnement pourrait l'apaiser. La peur repose sur le lien étroit qui existe entre le corps et l'âme. Elle trouve bien son origine dans la représentation d'un danger, d'un risque mais elle est entretenue voir fortifiée par des troubles physiologiques. Le maître de philosophie indique peut-être le sens de l'action mais ses leçons seront sans effet sans la collaboration du maître de gymnastique puisqu'on ne peut orienter nos actions sans asseoir notre volonté sur cet automatisme qu'est le corps. [...]
[...] Dans les moments d'anxiété n'essayez point de raisonner, car votre raisonnement se tournera en pointes contre vous-même; mais plutôt essayez ces élévations et flexions des bras que l'on apprend maintenant dans toutes les écoles; le résultat vous étonnera. Ainsi le maître de philosophie vous renvoie au maître de gymnastique.» (Alain, Les Passions) Comment l'artiste qui entre en scène parvient-il à surmonter sa peur? Doit- il cette victoire à sa force d'âme? A-t-il réussi à faire entrer cette émotion dans les limites du raisonnable? [...]
[...] L'intention de ce texte n'est pas de proposer une solution à un problème pratique. Alain se propose de fournir une explication à la disparition de la peur du pianiste qui commence à jouer mais de façon plus générale, il se propose d'expliquer le mécanisme des passions et de réfléchir sur leur nature. C'est le mouvement des doigts qui délivre le pianiste de sa peur, c'est l'action et non pas la pensée qui nous délivre des passions, pourquoi? Il s'agit de réfléchir sur la nature de la peur et plus généralement des passions. [...]
[...] Alain rapporte d'abord l'explication commune "on dira", l'artiste n'aurait plus peur parce qu'il détourne son attention de ses émotions vers le jeu de ses mains. Qu'est-ce qui est vrai? Il est vrai qu'il ne pense plus à sa peur. Il ne réfute pas cette explication, il en conteste simplement la rigueur ou plutôt la justesse. "réfléchir plus près de la peur elle-même" c'est s'efforcer d'être le plus juste possible par rapport à la peur, de la serrer de plus près. [...]
[...] C'est la nature de la peur qui est en question. "secouer" c'est mettre en mouvement. La peur immobilise, fige. "défaire" c'est délier, ouvrir. La peur correspond donc à une crispation, à un refermement sur soi. La peur est traité comme un phénomène physique, elle correspond à une raideur qui se dissipe dans un mouvement souple ( la peur se lie sur le visage). La peur envahit le corps, comment expliquer qu'un simple mouvement des doigts la fasse disparaître. Le corps est une machine, un automatisme. [...]
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