Il y a en nous une aspiration incontestable au bonheur, « bien premier » d'après Epicure (Lettre à Ménécée). Nous n'aimons pas la souffrance pour elle-même, et nous nous efforçons d'écarter de notre vie les tracas, les peines, la souffrance en général. Cela étant, pouvons-nous nous contenter d'une vie tranquille sans difficulté, sans effort ? Ne faut-il pas dans l'existence une part de souffrance pour qu'elle soit vraiment humaine ? Telle est la thèse que soutient le philosophe Alain dans le texte qu'il nous est donné d'étudier. Nous l'expliquerons dans ses parties successives et tenterons d'en apprécier la portée.
[...] Alain donne deux exemples. D'abord, celui de rois qui n'auraient qu'à désirer c'est-à- dire dont les désirs seraient immédiatement satisfaits, sans lutte, sans effort. Ensuite, celui des dieux qui, s'il y en a quelque part, doivent être un peu neurasthéniques Ce dernier exemple est quelque peu déroutant, mais c'est une métaphore littéraire pour illustrer ce que serait une vie sans complications. Alain la développe en évoquant les apparitions des dieux sous formes humaines dans la mythologie, sous formes de voyageurs frappant aux portes. [...]
[...] Il veut dire qu'il y a plus de bonheur à être compositeur qu'à être seulement auditeur. Composer la musique est difficile Nietzsche a fait remarquer qu'il n'y a pas d'œuvre géniale sans travail - mais le difficile est ce qui plaît cela fouette le sang et ravive le feu Le texte d'Alain que nous avons suivi fait valoir que le bonheur pour l'homme en cette vie ne peut pas consister dans un état de totale tranquillité, mais comporte nécessairement une part d'inquiétude et d'effort. [...]
[...] Il affirme d'abord qu'il est ordinaire que l'on ait plus de bonheur par l'imagination que par les biens réels C'est un peu surprenant. Un clochard est tout de même plus heureux s'il a une maison et un bon repas que s'il les imagine. N'importe qui sera beaucoup plus heureux de gagner réellement une grosse somme au loto au lieu d'en rêver. Cela dit, il est incontestable qu'on peut être déçu quand on obtient quelque chose dont on avait beaucoup rêvé. [...]
[...] L'homme qui ne fait rien n'aime rien Apportez-lui des bonheurs tout faits, il détourne la tête comme un malade Ces expressions donnent à réfléchir au fait qu'il y a en l'homme normal, sain, comme un besoin de l'effort et du travail. Le travail, c'est la santé ! Un enfant aime inventer des jeux, fabriquer des jouets ou du moins les transformer, il n'aime pas les jouets où il n'y a rien à faire et qui ne laissent pas de place pour son imagination. [...]
[...] Selon Alain, un bonheur sans un peu de difficultés ne semble pas possible. Il faut quelque inquiétude c'est-à-dire littéralement du non repos (quies) ou du dérangement dans le repos. Il faut quelque passion c'est-à-dire littéralement ce que l'on subit, ce dont on souffre : passion pour une activité, pour une recherche, passion amoureuse, etc. Il faut une pointe de douleur qui nous éveille à nous-mêmes : une pointe comme un aiguillon qui nous empêche de nous endormir, de nous contenter d'une vie tranquille, pépère et qui donc nous éveille Imaginons un philosophe qui se contenterait du savoir livresque qu'il a acquis et qui se reposerait dans ses convictions. [...]
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