Le travail, activité centrale dans la vie de l'homme, semble aujourd'hui avoir perdu ses lettres de noblesse. Il suffit de songer aux carrières artistiques qui font l'objet de conversations quant à leur caractère professionnel: "Ecrivain? Mais ce n'est pas un métier!" Parce que certaines activités semblent plus plaisantes à exercer que d'autres, elles ne bénéficient pas de la même considération. Bien sûr, les métiers où l'on ne s'amuse pas sont, eux, de "vrais métiers". Parce qu'une activité est pénible, elle a le droit d'être appelée "travail", pourtant on parle bien de carrière pour un acteur, et un danseur touche bien un "salaire"... La question reste donc entière: aimer son travail, le pratiquer avec plaisir, est-ce encore travailler? Le caractère pénible est-il indissociable de l'activité de travailler et l'attractivité est-elle inapplicable au travail? Une telle vision présuppose le travail comme activité peu attractive et ne pouvant être aimée, vision facilement contredite par les arguments que l'on a pu évoquer ci-dessus. Il faut toutefois souligner la grande négativité d'une telle vision, qui peut, si elle passe comme idée reçue, sous-entendre que seules ces activités pénibles sont valables en tant que travail, ce qui soulève évidemment un problème.
Nous verrons donc dans un premier temps que l'on peut aimer son travail sans contradiction. Toutefois la nécessité de distinguer travail et loisir par exemple nous pousse, à tort, à considérer le travail comme une activité exclusivement pénible. Nous verrons enfin les dangers d'une théorie qui considérerait le travail comme essentiellement négatif.
[...] Travailler en aimant son travail ne préÈsente aucune contradiction 2. L'aspect péÈnible et contraignant du travail le distingue cependant du loisir 3. [...]
[...] On masque cependant leur déÈfaut par l'appellation, socialement reconnue, de "travail". On léÈgitime les activitéÈs aliéÈnantes pour pouvoir continuer les faire appliquer, et on culpabilise les travailleurs qui aiment ce qu'ils font sans effort en leur donnant le sentiment qu'ils ne travaillent pas vraiment. Cette pratique a pour conséÈquence d'instaurer une réÈsignation chez les travailleurs qui acceptent mêÍme les travaux les moins humains sous préÈtexte qu'"il faut bien vivre", qu'un "travail est un travail", et qu'il n'y a pas de "sot méÈtier". [...]
[...] Dans les deux cas, le plaisir reste tension vers un objet. Le problèËme est éÈvident avec les sportifs professionnels par exemple: leur plaisir est-il de l'ordre du loisir ou du travail? Finalement, le doute subsiste quant savoir si un travail aiméÈ est encore un travail. Au contraire, le travail effectuéÈ sans peine ne semble plus êÍtre du travail. Celui-ci a dû˚ êÍtre distinguéÈ de toute forme d'activitéÈ plaisante: ainsi l'image donnéÈe au travail est forcéÈment néÈgative, elle le lie la notion de peine. [...]
[...] S'ils l'aiment et le recherchent, c'est pour autre chose, et en mettant de côÙtéÈ sa péÈnibilitéÈ. Ils la déÈpassent et déÈsirent ce travail malgréÈ elle. C'est ce que nous rappelle Nietzsche dans Le Gai Savoir. Il nous montre ainsi que donner l'impression que l'on ne peut pas aimer son travail, c'est oublier toutes les visions plus optimistes du travail, en tant qu'eupraxie, ou passion devenue méÈtier, ou vocation, ou encore lien entre les hommes . Cette vision trèËs noire de l'activitéÈ professionnelle est en outre intrigante. [...]
[...] Par le salaire qu'elle leur apporte, il peut ainsi subvenir ses besoins. Toutefois l'opposition effort/plaisir ne suffit pas distinguer ce qui est ou non du travail. Caillois dans Les Jeux et les Hommes considèËre que le sportif de haut niveau par exemple, mêÍme si son activitéÈ peu êÍtre plaisante, dans la mesure où˘ il reçÁoit un salaire est considéÈréÈ comme un "homme de méÈtier"; son activitéÈ est donc bien professionnelle. Comment expliquer, dans ces conditions, que l'on ait attachéÈ au travail les notions de peine et d'effort? [...]
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