L'actualité est féconde en évènements qui semblent indiquer que la religion intervient périodiquement, de façon plus ou moins grave, dans les affaires publiques : c'est un Etat qui, en raison de son fondement religieux, impose aux femmes le port de tel costume ; c'est une Eglise qui fait connaître son opposition de principe à une loi nouvelle, etc. de tels phénomènes paraissent de nature à nier sans attendre que la religion puisse n'être qu'une affaire privée (à moins de considérer qu'ils témoignent de déviations importantes des croyances et d'en appeler à une pureté de la foi intérieure, historiquement introuvable). Mais ce constat ne suffit pas : il importe de comprendre pourquoi la religion dépasse nécessairement la sphère privée (...)
[...] III) La religion et l'Etat : La séparation : Tout en affirmant la reconnaissance nécessaire de la liberté de pensée, Locke a établi les fondements d'une théorie de séparation entre l'Eglise et l'Etat. Après avoir remarqué que le port d'un surplis ne met pas davantage l'Etat en danger que celui d'un manteau, il souligne que, pourtant, ce même port de surplis, comme l'attitude que l'on adopte pour prier, peut devenir un signe de ralliement permettant aux hommes de se compter, de connaître leur force de s'encourager les uns les autres et de s'unir promptement toute circonstance : dans cette optique, le port de signes religieux doit être contraint, alors même qu'il ne saurait être question de contrôler les consciences. [...]
[...] Pour conclure, il est clair que si la religion n'était qu'une affaire privée, de nombreux problèmes n'apparaîtraient pas dans les sociétés contemporaines. Outre que, relativement à l'état politique des différentes parties du globe, l'hypothèse est irréaliste, on peut même se demander si la religion en constituerait bien une, tant l'intrication du religieux, du social et du politique semble faire partie du mouvement même de la nature de la religion. Même dans la discussion que préconise Ricoeur, il semble que l'esprit religieux, avec sa croyance vraie, ne soit prêt qu'a recevoir les meilleurs arguments de l'autre : c'est que, de son côté, il croit et affirme, et peut-être cela l'empêche-t-il en effet d'argumenter. [...]
[...] Mais ce constat ne suffit pas : il importe de comprendre pourquoi la religion dépasse nécessairement la sphère privée. Toute religion rassemble les hommes : Le sacré et le profane : On peut être tenté de définir la religion par l'opposition de sacré et de profane qui aboutissent à séparer deux univers, et à instaurer entre eux une étanchéité plus ou moins prononcée. Cette opposition est importante puisqu'elle se retrouve dans toutes les religions, primitives ou non, et existe vraisemblablement depuis que les hommes ont commencé à concevoir ou imaginer l'existence de forces, de divinités ou esprits vivant dans un monde autre que le leur et ayant une influence sur ce dernier de façon non négligeable. [...]
[...] Si sa fonction était d'abord de garantir le contact entre le sacré et le profane, elle acquiert rapidement une portée sociale . II) Religion et morale : Antériorité des morales religieuses : Kant, parlant de la morale chrétienne, constate qu'elle a conçu des lois que la raison aurait pu et dû découvrir et imposer d'elle-même et par elle- même. On peut généraliser cette remarque pour constater que les principales religions formulent des règles morales fondamentales, qui représentent en général de vrais progrès pour la conduite : la charité combat l'égoisme spontané et demande par exemple qu'on se préoccupe d'autrui là où on ne pouvait pas le faire ; l'amour du prochain quel qu'il soit, suggère une égalité entre tous les hommes et leur dignité, etc Mais les morales qui se fondent sur les croyances religieuses se fondent aussi sur des dogmes dont les contenus sont indiscutables. [...]
[...] Et c'est là que leur impact social peut poser problème. Des morales statiques : Bergson, dans «Les deux sources de la morale et de la religion montre qu'il y a dans certaines religions une dynamique qui vient bouleverser la morale en proposant de nouvelles valeurs. Mais il semble bien que ce dynamisme s'épuise progressivement et que la nouvelle morale ne tarde pas à se figer à son tour en un ensemble d'habitudes qui ne peuvent plus être mises en cause. [...]
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