En quoi le suicide est-il un sujet tabou ? C'est qu'il réveille directement nos représentations sur la mort. Il met à l'épreuve notre capacité à accepter un acte s'inscrivant contre le processus naturel de la mort. En effet, tout suicide constitue un homicide sur soi-même. Le terme a d'ailleurs été formé savamment au XVIIIème siècle à partir des racines latines "sui" (soi-même) et "caedere" (tuer). C'est pourquoi, en toute rigueur, le terme pronominal "se suicider" est redondant : le suicide est déjà par nature l'acte d'autodestruction d'un sujet se tuant lui-même (...)
[...] Comment expliquer alors le suicide dans une famille harmonieuse ? C'est que le suicide masque ici une souffrance mentale souvent enracinée dans une problématique qui, pour être invisible extérieurement, n'en est pas moins réelle et profonde. C'est le cas de toutes les figures de relations " incestuelles Par " relation incestuelle entendons un type de relation où l'intégrité psychique et morale d'un sujet est violée par un de ses proches. Par exemple, dans une famille " sans histoires une mère abusive fouille systématiquement les affaires ou l'espace privé de son enfant. [...]
[...] Les modes de suicide peuvent être eux-mêmes révélateurs. L'empoisonnement volontaire d'une jeune fille peut masquer le désir inconscient de prendre la place de sa mère et d'avoir un enfant du père. Chez tel jeune homme, se tirer une balle dans la tête peut traduire le souhait inconscient de revendiquer un soi (avec des traits déterminés) par rapport à des proches qui l'auraient abandonné. La pendaison peut paradoxalement viser à étouffer brusquement une souffrance étouffante. Quelles significations accorder par ailleurs au passage à l'acte en lui-même ? [...]
[...] Etat des lieux du suicide chez les adolescents en France : un fléau social. Le suicide est actuellement la deuxième cause de décès chez les adolescents après les accidents de la route. Chaque année, près d'un millier d'entre eux se suicident et plus de quarante mille font une tentative de suicide. Ceci est essentiel puisque la proportion des suicides " réussis " par rapport aux tentatives de suicide est de l'ordre de un sur dix, ce qui montre l'ampleur du fléau par-delà les seuls chiffres de décès par suicide. [...]
[...] Complaisance dans la morbidité. Don d'objets précieux à des proches ou amis comme annonce différée de son prochain départ. Toute dépression ne conduit certes pas irrémédiablement au suicide. Mais celui-ci constitue précisément le risque majeur de toute dépression. C'est pourquoi il n'est pas inutile de présenter synthétiquement la notion de " crise suicidaire Les théoriciens de cette notion (Caplan - Morrissette) nous invitent à concevoir une logique cyclique et algorithmique de la dépression. Autrement dit, l'intervalle entre l'idée latente de suicide et le passage à l'acte -en moyenne six à huit semaines- s'effectue selon une progression de plus en plus intense. [...]
[...] Le suicide des jeunes pose sans doute les problèmes du manque de communication au sein des familles, de l'exclusion dont peuvent souffrir certains adolescents, mais aussi du retard pris en France pour la prévention d'un fléau de santé publique constant et s'accroissant. Gageons que les mesures gouvernementales récentes d'information et de formation feront baisser les taux de suicide juvénile. La cause du suicide doit devenir cause de santé publique avant d'être une cause philosophique sur le sens de l'existence. Une seule vie sauvée le justifierait. Entre être heureux et malheureux, se dessine ici l'un des objectifs exigeants de la santé proprement mentale : ne jamais être désespéré au point de vouloir attenter à sa vie. [...]
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