Par les forces combinées de son intelligence, de sa main, de la parole et de l'écrit, l'humanité a bâti son règne sur la technique. Chacun l'utilise et elle est partout. La connaissance humaine est toujours plus large, l'activité technique toujours plus complexe et omniprésente. Mais quel est le prix de cette progression ? L'individu, et la société en général, ne deviennent-ils que les rouages aliénés d'une entreprise qui les dépasse et qui tend vers une volonté autonome ? L'activité technique dévalorise-t-elle l'homme ? Et quelles sont les parts d'humain dans la technique, de technique dans l'humain ?
Il faudrait d'abord s'interroger sur les critères de valeur qu'on pourrait appliquer à l'homme. Si on considère, à l'instar de Kant, que l'homme a une « valeur absolue » parce qu'il n'est « jamais qu'un moyen mais toujours aussi une fin », le problème philosophique tourne court. S'agit-il d'une valeur liée à la puissance, physique ou sociale ? Doit-on dans cette puissance, faire entrer celle procurée par la technique, considérant comme Yves Schwartz que « la technique, c'est nous » (Notions de philosophie) ? A moins que cette valeur ne soit au contraire fonction de notre degré d'autonomie; ou qu'elle ne soit morale. La progression de notre épure suivra ce questionnement. L'activité technique fait indéniablement la force de l'humanité, la hisse au dessus du déterminisme naturel, et lui offre un mode d'évolution des milliers de fois plus rapide que celle, naturelle, du patrimoine génétique. « Toute l'ascension des civilisation s'est faite avec le même homme physique et intellectuel qui guettait le mammouth » écrivait Leroi-Gourhan. Plus encore, c'est par l'efficacité de ses techniques qu'une armée, une civilisation, une culture parvient à primer sur une autre, pesant de tout. Mais en appuyant l'ensemble de notre existence sur une technique de plus en plus complexe et hermétique, ne court-on pas un grave danger ? L'outil de la technique enfin, n'est-il pas aussi indépendant de la valeur d'un homme que le pistolet l'est du meurtrier, le vaccin du soignant, l'outil du maître ?
[...] Mais la subordination de l'homme aux exigences techniques n'est-elle pas dommageable ? L'asservissement à une finalité ne lui retire-t-elle pas sa valeur d'être indépendant et libre ? A l'échelle d'un individu, la réponse semble relever du bon sens : être capable de se travailler pour devenir l'artisan de ses objectifs, est gratifiant. Mais quand il s'agit d'objectifs assignés par d'autres, alors la balance vacille : restons-nous maître de nous lorsque nous sommes rouage d'un processus dont la finalité nous est extérieure ? [...]
[...] L'activité technique dévalorise-t-elle l'Homme ? Et quelles sont les parts d'humain dans la technique, de technique dans l'humain ? Il faudrait d'abord s'interroger sur les critères de valeur qu'on pourrait appliquer à l'Homme. Si on considère, à l'instar de Kant, que l'Homme a une valeur absolue parce qu'il n'est jamais qu'un moyen mais toujours aussi une fin le problème philosophique tourne court. S'agit-il d'une valeur liée à la puissance, physique ou sociale ? Doit-on dans cette puissance, faire entrer celle procurée par la technique, considérant comme Yves Schwartz que la technique, c'est nous (Notions de philosophie) ? [...]
[...] Quel pouvoir autre que théorique reste-t-il à l'homme sur son outil après avoir envisagé ces possibles catastrophes ? Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître écrivait Kipling. La vérité c'est que l'Homme, déjà et de plus en plus, ne peut se passer de ses organons. Elargissant l'autonomie de ses créations techniques, il se soulage d'un fardeau mais perd peu à peu la maîtrise du jardin d'Eden qu'il tente de récréer. Quelle valeur lui est encore intrinsèque ? Si on considère, comme l'affirmait Jacques Lafitte, que les machines sont nous-mêmes la valeur de l'Homme serait la somme de la sienne et de celle de ses outils ; mais jusqu'à quel point la technique, c'est nous ? [...]
[...] Il y a indéniablement influence réciproque entre le niveau, l'orientation technique d'une société et sa structuration. Mais dans quelle mesure la société s'incline-t-elle face à ce qui était moyen, et semble devenir maître ? Cette question se pose souvent, alors que l'on semble devenir plus dépendant d'un monde technique constamment complexifié. L'homme contemporain a pu soustraire à nombre d'actes pénibles mais il devient par là tributaire de la technique. Combien de temps l'homme occidental le plus fortuné pourrait-il encore survivre en nature hostile et sans outils préfabriqués? [...]
[...] La part de naturel diminue au profit d'une sphère de l'artificiel humain toujours plus large (elle s'applique aujourd'hui jusqu'au monde de la création biologique avec les techniques génétiques), toujours plus puissantes (les énergies issue de l'atome sont colossales). L'homme est donc l'incontestable maître de la technique, et par elle, tend à être celui de la Nature. En ce sens, parce qu'elle donne à notre espèce toujours plus de prise, de pouvoir sur le monde, de capacité à faire sien l'activité technique valorise l'homme. Au sein de l'humanité elle-même, la puissance de mise en patrimoine de certains éléments est-elle indépendante du foisonnement et de l'efficacité de l'activité technique ? [...]
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