L'action est-elle sans fin ?

Résumé du document

Le but et le terme de l'action diffèrent, mais semblent au final converger. Le but est souvent connu dès le début de l'action alors que l'achèvement de l'action n'est visible qu'après coup. Le premier tente de fixer le second ce qui entraîne une interaction entre les deux ; mais ces deux notions doivent-elles systématiquement être rattachées à l'action ? Il peut sembler absurde d'agir sans but et sans vouloir que notre action s'achève.

Cependant, la vision que nous avons de l'action est souvent trop restrictive. Une action, quelle qu'elle soit, modifie, volontairement ou non, l'environnement, l'agent, voire même les personnes extérieures à l'acteur. Ainsi, l'action crée du nouveau. Les deux sens de « fin » nous poussent à nous demander si le terme de l'action en est le but.

N'y a-t-il pas une idée de continuité éternelle dans l'action ? Peut-on parler d'achèvement de l'action une fois le but atteint ? Ce but est-il d'ailleurs nécessaire à la réalisation de l'action ? En fait, peut-on agir sans but ? Et si un but est fixé, celui-ci une fois atteint ne marque-t-il pas véritablement le début d'une action sans fin ?

Extraits

[...] Ainsi toute action apparaît irréversible. Cependant ? Nous nous représentons souvent les actions comme se succédant sans cesse. Nos avons l'impression d'enchaîner les actions et qu'une fois une nouvelle action commencée, l'ancienne est déjà derrière nous. Ce schéma linéaire de l'action avec un début, un déroulement, une fin est contesté par Pierre Livet dans Qu'est-ce qu'une action ? En effet, il montre la complexité de nos actions qui ont des répercussions entre elles. Une action demande des réajustements, en amont elle doit s'adapter aux circonstances et en aval elle modifie l'environnement. [...]

[...] Mais ce moment où le but semble plus ou moins réalisé n'est-il pas le début véritable de l'action et non ce que nous nommons communément fin ? Si nous supposons qu'il existe un achèvement complet de l'action, quel est alors l'intérêt de l'action ? Si au final, il ne reste rien aurions-nous dépensé toute cette énergie pour rien ? En effet, l'action, nous l'avons montré, a modifié l'agent lui-même mais l'action cherche aussi à avoir des conséquences éternelles. Dans l'Iliade d'Homère, les nombreux héros tels Achille, Ulysse agissent pour la postérité. [...]

[...] En effet, un terme de l'action paraît impossible du fait des répercussions plus ou moins visibles et perçues de celle-ci mais également, et surtout, car l'action ne prend véritablement son ampleur qu'une fois le but atteint, qu'une fois que, pour beaucoup d'entre nous, elle apparaît achevée. Si l'action n'a pas de fin, il n'en est pas ainsi pour l'agent. La mort le rattrape comme le rappelle l'Horloge de Baudelaire dans Les Fleurs du Mal Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto menor. A cause du temps, l'agent ne peut, à un moment donné, plus agir mais grâce au temps, l'action demeure éternelle. [...]

[...] En fait, peut-on agir sans but ? Et si un but est fixé, celui-ci une fois atteint ne marque-t-il pas véritablement le début d'une action sans fin ? Dans Don Juan de Molière, le protagoniste semble agir sans fin, sans arrêt. Il ne se satisfait pas de l'accomplissement de l'action. En effet, pour Don Juan Tout le plaisir de l'amour est dans le changement Son but n'est pas de posséder telle ou telle conquête mais d'enchaîner les actions de séduction. [...]

[...] Cependant, si cette fin, dans le sens d'achèvement, nous échappe, la fin en tant que but n'est-il pas l'obligé de l'action ? Se fixer un but pour agir n'est-il pas nécessaire à l'action ? Tout d'abord, si nous considérons que pour dire qu'une action a un but, il faut qu'elle respecte celui-ci alors il semble difficile d'affirmer que l'action ait un but. En effet, un agent, qui se fixe un but final, ne verra rarement, voire jamais, celui-ci complètement réalisé. L'action doit se réajuster aux circonstances et prendre en compte l'idée d'imprévisible. L'action diverge toujours au final du but premier. [...]