Constater qu'un désir ressenti ne peut être satisfait n'est jamais agréable. On ressent une frustration, un manque d'être qui semblent limiter notre possibilité d'exercer ce qui est d'abord perçu comme un droit à la jouissance. Mais tout peut être objet de désir, et dès lors se pose le problème d'une satisfaction complète des désirs, dans la mesure où certains paraissent inacceptables, du point de vue de la société. La vie en groupe oblige-t-elle à ne pas accomplir tous ses désirs ? Mais ne serait-ce pas la vie du sujet lui-même qui serait incompatible avec une telle satisfaction ?
En apparence, tout désir ressenti constitue une expression de mon être : il désigne un manque, et sa satisfaction signifiera que je suis parvenu à affirmer un certain pouvoir sur les choses, à éprouver un plaisir qui peut me paraître justifié dans la mesure où il indique que j'aurai réussi à combler le manque ressenti.
[...] Plus gravement, Hegel fait remarquer que, dans la relation de désir, deux formes de liberté se trouvent contestées. D'un côté celle de l'objet, qui risque d'être détruit par sa consommation ; de l'autre celle du sujet (sans doute plus notable), qui, tant qu'il désire, est en effet lié et soumis à l'objet. Enfin, s'il est vrai que le désir suppose que l'objet présente un intérêt ou une valeur, on sait que cette valeur est d'autant plus forte que le désir du sujet entre en concurrence avec celui d'un autre : en ce sens, je désire aussi parce que l'autre désire. [...]
[...] III) Désir et société Satisfaire tous les désirs, si l'on prend l'expression au sérieux, implique une satisfaction qui concerne non seulement les désirs dont nous prenons conscience, mais aussi bien ceux de notre inconscient. Sur ce point, Freud est formel : aucune organisation sociale ne peut admettre une satisfaction intégrale des désirs.Ne serait-ce, si l'on suit ses théories, qu'en raison de l'existence, dans l'enfance, d'un désir d'inceste qui ne saurait être satisfait sans perturber l'organisation sociale elle-même. S'il est vrai que la prohibition de l'inceste constitue la différence entre l'humanité et l'animalité, la satisfaction d'un désir incestueux signifie que le sujet se place en marge de l'humanité. [...]
[...] Accomplir tous ses désirs, est-ce une bonne règle de vie ? Constater qu'un désir ressenti ne peut être satisfait n'est jamais agréable. On ressent une frustration, un manque d'être qui semble limiter notre possibilité d'exercer ce qui est d'abord perçu comme un droit à la jouissance. Mais tout peut être objet de désir, et dès lors se pose le problème d'une satisfaction complète des désirs, dans la mesure où certains paraissent inacceptables, du point de vue de la société. La vie en groupe oblige-t-elle à ne pas accomplir tous ses désirs ? [...]
[...] Il est d'ailleurs possible qu'en l'absence de ces dernières, le désir disparaisse lui-même, tant il semble n'avoir de puissance que lorsqu'il rencontre des obstacles ou des interdits. [...]
[...] En deuxième lieu,considérant l'autre comme simple objet possible de satisfaction, elle méconnaîtrait l'existence des personnes, et donc la réciprocité des consciences que suppose le social. En troisième lieu, elle ne produirait qu'une absence de liberté, tant chez le sujet désirant que chez l'autre comme objet désiré. Conclusion Accomplir tous ses désirs constitue peut-être un rêve, ou une tentation séduisante. Mais l'être humain est d'abord social, et cette qualité interdit la satisfaction complète des désirs ; la frustration fait ainsi partie de l'existence normale, et l'homme se trouve nécessairement écartelé entre ses désirs et les règles qu'il s'impose. [...]
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