Platon en son temps, critiqua fortement l'art. Selon lui, les œuvres artistiques auraient pour but de pervertir les esprits car relevant du monde sensible, elles donneraient une image fausse de la réalité. En revanche, certaine forme d'art sont acceptée dans sa République idéale. C'est le cas de l'architecture qui est guidée par le souci de proportionnalité, ou la poésie quand elle fait l'objet d'un calcul mathématique. Seules les œuvres s'inscrivant dans le réel, répondant à des règles strictes établies par la technique étaient donc considérées comme bonnes et utiles.
Mais a-t-on raison d'opposer l'art et la technique ? En quoi leurs applications au réel diffèrent-elles ? L'objet technique vaut-il l'œuvre d'art ? Dés lors, les deux sont-ils établis dans les mêmes conditions ? N'y a-t-il pas de l'art dans la technique et inversement ? Dès lors, cette fusion menace-t-elle la réalisation en elle-même ? En ce sens la technique dénature-t-elle l'art ? La différenciation des deux concepts ne se ferait-elle pas plus au niveau du spirituel qu'au simple niveau matériel ? En cela, le regard que je porte sur le monde à travers la technique est-il le même que celui que me fait porter l'art ?
Le problème sera ici de savoir si la technique rationnelle peut satisfaire à elle seule l'homme, en s'opposant à la sensibilité véhiculée par l'art.
[...] Art et technique sont donc indéniablement liés. D'ailleurs, de grands peintres comme Léonard de Vinci se trouvaient être également de grands scientifiques. Cela prouve bien que les deux concepts ne sont pas opposés, mais qu'au contraire ils peuvent se mettre au service de l'autre pour le sublimer, ou l'améliorer. On peut même aller jusqu'à penser que le processus de réalisation d'un objet technique ou d'une œuvre d'art répondrait aux mêmes exigences, ce ne serait alors que le génie, l'aura de l'œuvre qui la distinguerait d'un objet technique. [...]
[...] L'objet technique n'a pas d'âme, il est reproduit et n'est qu'un moyen qui ne m'oblige pas à utiliser les facultés qui me caractérisent en tant qu'homme. En revanche l'œuvre d'art est unique, elle possède une aura qui ne me laisse pas indifférent et suscite des émotions en moi. Enfin, l'œuvre d'art ne profite pas qu'à moi, mais à l'homme en général et se présente comme un don désintéressé et gratuit. Alors que l'objet technique se possède, l'œuvre d'art se partage. [...]
[...] Il apparaît que l'objet technique a une utilité : satisfaire les besoins humains. Il n'est donc pas une fin en lui-même, mais simplement un moyen en vue d'une fin extérieure (par exemple, le couteau sert à couper). En ce sens, il est amené à évoluer en même temps que l'évolution des savoirs pour devenir plus efficace : il n'est donc ni atemporel ni universel. Il en est tout autre pour l'œuvre d'art, car cette dernière n'a pas d'utilité apparente vitale. [...]
[...] En effet, là où l'artiste crée des œuvres toutes uniques, le technicien produit des objets en série. De ce fait, le technicien applique des savoir-faire déjà établis, connus, transmis par ses prédécesseurs sous forme de règles formulables et communicables. En revanche, pour l'artiste, l'apprentissage ne suffit pas pour réaliser un chef-d'œuvre, la création fait intervenir un talent spécifique. Ce talent va être nommé génie inné par Kant dans Critique de la faculté de juger, il stipule que le génie est un talent qui donne les règles à l'art ainsi les beaux-arts ne sont possibles que comme produit du génie [ ] dans le domaine scientifique, même le plus remarquable auteur de découvertes ne se distingue que par le degré de sagesse de l'imitateur et de l'écolier le plus laborieux tandis qu'il est spécifiquement différent de celui que la nature à doué pour les beaux- arts Il en résulte que là où l'artiste fait preuve de génie, l'artisan fait preuve d'ingéniosité. [...]
[...] Si tel était le cas, l'artiste se contenterait de redoubler le monde sensible. Il apparaît que l'œuvre d'art n'est pas là pour restituer la vérité de ce qu'elle représente, mais au contraire, elle doit effectuer un déplacement du réel pour le sublimer encore plus. En ce sens, le peintre Sérusier aimait à dire que d'une pomme peinte par un peintre vulgaire on dit : on pourrait la manger. D'une pomme peinte par Cézanne : elle est belle, on n'oserait la peler Il apparaît donc que l'œuvre d'art ne restitue pas la visible, mais rend visible (Paul Klee). [...]
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