Qu'est-ce qu'avoir besoin d'un maître ? Cette obéissance nécessaire et péremptoire n'entrave-t-elle pas l'idée même d'humanité ? Car si ce maître s'incarne en un autrui nécessairement semblable à moi, pourquoi aurais-je besoin de lui, besoin de sa gouverne ? Rien ne semble pouvoir créditer ce besoin d'un maître, du moins pas en tant que je suis une conscience libre de mes actes et de mes pensées. Mais n'est-ce pas conclure un peu vite ? Ne peut-on en effet pas trouver une ou plusieurs formes de domination qui soient nécessaires ? Quels en sont les exemples, les limites et les dérives possibles, et dans chaque cas, comment répondre à la question posée ?
[...] Ce besoin est donc directement enraciné dans la nature humaine. Il est en tout cas indéniable que l'on ait besoin d'un maître, que celui-ci s'incarne dans le domaine politique, moral ou spirituel, en la personne d'un élu politique, d'un initiateur moral, ou d'un esprit supérieur. Conclusion La conclusion s'impose donc d'elle-même : en dépit de l'aspiration bien légitime de chaque individu à la liberté et à l'indépendance, il s'avère que le besoin d'un maître est le ciment inaliénable de la vie humaine : on ne veut pas avoir besoin d'un maître, mais on en a besoin. [...]
[...] Mais la question mérite d'être creusée, pour la bonne raison que, justement, on a besoin d'un maître. En tant qu'individualité, cela paraît outrancier. Mais si l'on se place au niveau plus général du groupe, de la société, il paraît évident et même indéniable que l'on a besoin d'un maître. Ce maître, est-ce la morale ? L'éducation ? Les codes qui encadrent et régissent mon comportement ? Les institutions politiques et juridiques qui constituent les piliers de l'état ? Au fond, c'est un peu tout ça, mais il est en tout cas impensable de dire qu'on n'a pas besoin d'un maître, qu'on en n'a jamais eu besoin. [...]
[...] Développement La première réponse, et de loin la plus spontanée, que l'on puisse donner à la question A-t-on besoin d'un maître ? est un non affirmé. Je suis une conscience, un individu responsable, je connais mes droits, mes devoirs et mes limites, je sais faire des choix et me les imposer sans l'intervention d'une autorité supérieure. Si l'on s'en tient à la stricte définition de l'homme selon Sartre, l'homme comme affirmation de sa liberté, il devient évident que je n'ai aucunement besoin d'un maître. [...]
[...] A l'âge adulte, il paraît absurde d'avoir encore besoin d'un maître comme le constituait le couple parental pendant l'enfance. Avoir besoin d'un maître n'engage pas que la question métaphysique de la liberté, mais se joue également à un niveau beaucoup plus pragmatique : il s'agit là d'un doute jeté sur la responsabilité de chacun, l'aptitude de l'homme à savoir se débrouiller sans autorité supérieure. Bien sûr, puisque j'ai acquis les bases de la morale et de la vie communautaire, je me pense en droit d'affirmer que, bien loin d'avoir besoin d'un maître, je suis le seul maître à me gouverner. [...]
[...] Car, et là réside tout le paradoxe, le pouvoir politique et les devoirs posés par l'éducation politique et communautaire posent un but à l'existence : si on laisse à l'homme sa totale liberté, il souffre d'avoir à prendre ses responsabilités. Pourquoi est-ce une souffrance de ne pas avoir de maître ? Parce qu'on est alors, réellement, livré à la loi du plus fort. Autrement dit, se choisir un maître et le reconnaître comme tel, c'est aussi garantir sa liberté ce sens où aucun autre maître, assoiffé de violence, ne peut alors venir prendre sa place. C'est accepter un maître pour ne pas en avoir un autre, imposé celui-là. [...]
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