La référence à la science est devenue, pour la mentalité européenne, si constante qu'elle donne parfois naissance à une nouvelle forme d'argument d'autorité : dans un débat, il peut suffire d'avancer que l'avis que l'on soutient est confirmé par la science pour que l'adversaire s'incline, sans forcément réagir en exigeant que soit précisé de quelle science il s'agit. Car la démarche scientifique suppose un certain nombre de règles, et il est fréquent qu'on attribue à des attitudes moins scrupuleuses une scientificité qu'elles sont loin de posséder. Aussi est-il important, à la fois intellectuellement et déontologiquement, de préciser à quelles conditions une démarche est en effet scientifique (...)
[...] Défiance à l'égard de la perception Parce que la loi que recherche une démarche scientifique concerne un fonctionnement universel, elle désigne aussi des faits qui ne peuvent se manifester directement pour la perception. La perception spontanée est sensible aux singularités, à l'aspect anecdotique des choses Percevoir, c'est rester dans un univers de phénomènes singuliers et mouvants, dont chacun semble appeler une explication Pour que la démarche scientifique apparaisse, il convient donc de se détourner de ce que semble nous livrer la perception, pour ne m'intéresser qu'à ce qui, en profondeur, en-deçà des apparences, produit ce qu'elle nous livre Ce qui suppose un travail d'abstraction intellectuelle, et que l'intelligence travaille sur des concepts, et non sur des apparences. [...]
[...] Pour que la démarche scientifique devienne réelle, on doit au contraire supposer qu'il n'y a pas coïncidence entre l'apparence et le fonctionnement sous-jacent, mais aussi qu'un phénomène de la nature ne révèle ce fonctionnement que si on le questionne d'une certaine façon : il n'y a plus de complicité première entre nature et esprit, et doit se mettre en place une expérimentation qui oblige la nature à répondre aux questions que l'esprit scientifique peut lui poser du point de vue qui est le sien. Dès lors, la démarche scientifique devient synonyme de démarche expérimentale (cf. son analyse par Claude Bernard) : elle formule des hypothèses après une observation questionnant, et elle vérifie ses explications anticipées par des montages expérimentaux qui ont pour but de reproduire le phénomène à expliquer en en maîtrisant les causes. [...]
[...] Dès que des questions outrepassent ses capacités (comme c'est le cas en métaphysique, si l'on désigne ainsi ce que Gauguin résume en trois questions : Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? les démarches scientifiques laissent le champ libre à d'autres attitudes de l'esprit. [...]
[...] À quelles conditions une démarche est-elle scientifique ? Introduction La référence à la science est devenue, pour la mentalité européenne, si constante qu'elle donne parfois naissance à une nouvelle forme d'argument d'autorité : dans un débat, il peut suffire d'avancer que l'avis que l'on soutient est confirmé par la science pour que l'adversaire s'incline, sans forcément réagir en exigeant que soit précisé de quelle science il s'agit. Car la démarche scientifique suppose un certain nombre de règles, et il est fréquent qu'on attribue à des attitudes moins scrupuleuses une scientificité qu'elles sont loin de posséder. [...]
[...] Rapport mouvant à la vérité Toute démarche scientifique espère trouver, c'est-à-dire élaborer, des vérités. Mais sa relation avec la vérité est particulière, et la différencie également d'autres attitudes. En effet, pour une démarche scientifique, aucune vérité, même la mieux établie ou vérifiée, ne peut être admise comme définitive. Le scientifique inscrit en effet son travail dans l'histoire d'un domaine, et cette histoire l'avertit de l'évolution des théories et des lois. Cela signifie, d'une part, que le réel n'a pas encore livré ses secrets et ne les livrera sans doute jamais, c'est-à-dire qu'il convient de ne pas confondre vérité scientifique et réalité. [...]
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