L'histoire du théâtre espagnol contemporain ne se confond pas avec l'histoire du théâtre contemporain occidental. La parenthèse de la guerre civile (1936-1939) - et des trente six années de franquisme qui s'ensuivirent - contribua à configurer la scène espagnole de manière très spécifique. Si le premier quart du siècle est dominé par les deux dramaturges d'exception que sont García Lorca et Valle - Inclán, notons d'emblée le déphasage induit par la dictature qui empêchera les premières générations de l'après-guerre d'assimiler ces oeuvres majeures et d'en nourrir leur propre création. Après l'avènement de la démocratie et d'une politique active en matière de développement de l'art théâtral durant les années 80, l'Espagne retrouve peu à peu une place dans une histoire commune de l'art dramatique occidental (...)
[...] L'engagement contre le régime imposait de pouvoir s'adresser au plus grand nombre à travers un langage parfaitement clair et compréhensible. En même temps, loin de la rhétorique franquiste ampoulée qui mystifiait l'histoire grâce au passé glorieux d'une Espagne conquérante, il fallait traduire sur les planches la triste réalité d'une Espagne sous-développée et sans avenir. C'est ce que se sont employés à faire tous les dramaturges de la génération réaliste -Lauro Olmo, José Martín Recuerda, José María Rodríguez Méndez- autour des deux grandes figures de Antonio Buero Vallejo et d'Alfonso Sastre qui s'opposèrent dans la querelle autour 5 du posibilismo/imposibilismo. [...]
[...] Les débuts du franquisme seront marqués par une production indigente. Valle-Inclán et Lorca sont morts et la plupart des grands hommes et des femmes de théâtre ont pris le chemin de l'exil. C'est le cas d'Alberti, de Max Aub, de Casona, de Rafael Dieste, de María Teresa León; c'est aussi le cas de l'excellent critique Enrique Diez-Canedo, de l'actrice Margarita Xirgu, du metteur en scène Rivas Cherif. La scène espagnole est alors entièrement occupée soit par des œuvres superficielles et comiques appartenant à un théâtre d'évasion, escapista, soit par des pièces appartenant à un théâtre très conventionnel et conservateur qui exalte les valeurs du National Catholicisme (Calvo-Sotelo, Juan Ignacio Luca de Tena, Claudio de la Torre et bien sûr, José María Pemán). [...]
[...] Mais qu'il possède une dimension sociale ou politique, ce théâtre, à contre-courant de l'histoire du théâtre occidental, demeurera sans doute dans l'histoire davantage par la portée sociologique qu'il suppose que par sa contribution à la création de formes dramaturgiques nouvelles. Les troupes de théâtre indépendant parmi lesquelles Tábano, Los Goliardos, Ditirambo, La Cuadra, El Corral de comedias, Els joglars, Els Comediants, Teatro Lliure, pour n'en citer que quelques unes parmi les plus connues- contribuèrent par ailleurs non seulement à la connaissance et à la reconnaissance des auteurs dramatiques espagnols vivants mais également à la diffusion du répertoire occidental contemporain. [...]
[...] Leur imagination débridée imposa une scène truffée de situations paradoxales et de dialogues comiques aux accents absurdes. La seconde république voit la création de théâtres d'art et d'essai comme El mirlo blanco El Cántaro roto El Caracol Fantasio Depuis les précédents que constituent Adría Gual en Catalogne et Gregorio Martínez à Madrid, la mise en scène et la scénographie connaissent un essor considérable notamment sous l'égide de Rivas Cherif. Pendant cette période d'avant-guerre, quelques grandes figures sont à l'origine d'initiatives destinées à promouvoir un théâtre de qualité parmi lesquelles Max Aub créateur du groupe El Búho-, Alejandro Casona organisateur des missions pédagogiques une entreprise apparentée d'un point de vue idéologique à celle de La barraca de Lorca-, Jacinto Grau, Rafael Alberti, José Bergamín La plupart d'entre eux vont créer, durant la guerre civile un théâtre engagé et militant, le Teatro de Arte y propaganda ou encore les Guerrillas del teatro, destinés à encourager et divertir les soldats sur les lignes du front. [...]
[...] D'une richesse expressive extraordinaire, el esperpento propose, sous l'influence de Goya, de filtrer la réalité au prisme déformant du grotesque, seule voie esthétique susceptible de porter une vision critique et distanciée du monde. L'autre géant de la scène espagnole de la première moitié du siècle est bien sûr García Lorca et son théâtre poétique, formidable synthèse de modernité et de tradition. L'œuvre mêle en effet les accents surréalistes aux accents populaires, les inflexions du théâtre classique aux expérimentations les plus novatrices. Le conflit sous-jacent à l'ensemble de ses pièces résulte de l'opposition constante entre le désir profond et la frustration que lui impose la norme sociale ou morale. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture