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En grec technè désigne toute production humaine. La Physique d'Aristote s'ouvre par la phrase : "tout ce qui est existe soit par la nature, soit par la technè". Aristote veut dire que tout ce qui est doit son existence soit à la nature, soit à l'activité humaine. Les Grecs n'avaient que le mot technè pour désigner toute forme de savoir-faire, tout comme les Latins qui, eux aussi, n'avaient qu'un seul le mot, le mot ars. L'art, au sens classique, désigne, comme technè en grec, aussi bien le savoir-faire de l'artiste que celui de l'artisan ou que celui du médecin. (Molière appelait les médecins les "hommes de l'art"). Artistique, artisanal, artificiel, artificieux, renvoient à l'ars latin (et donc à la technè grecque). Au XVIIIe siècle est apparue une nouvelle forme de production. Pour la distinguer de celle qu'on appelait art, on a pris le mot grec technè qui avait exactement le même sens, pour faire le mot technique. Depuis nous opposons l'art et la technique. L'art est un savoir-faire en partie intransmissible. Dans l'art un sens guide la main (la vue, le toucher, l'ouie, etc.). L'art demande donc des sensations affinées, du flair, de l'intuition, de l'expérience et une part de don. La technique est apparue quand on a pu théoriser totalement le savoir-faire. La technique demande qu'on applique une règle apprise ou même qu'on se borne à simplement déclencher un automatisme. Le technicien qui connaît la règle n'a besoin ni de don, ni d'expérience. Dans la technique, ce qui guide la main ce n'est pas un sens mais un savoir totalement théorisé. La technique ne demande que la connaissance de la règle à appliquer.
La technique peut donc s'enseigner intégralement, contrairement à l'art qui est en partie intransmissible. On parle rétroactivement de technique à propos des sociétés artisanales pour désigner les savoir-faire qui se transmettent de génération en génération et qui font partie de leur patrimoine culturel. C'est pourquoi l'ethnologue Marcel Mauss (1873-1950) définit la technique par le seul critère de transmissibilité (...)
[...] Pour la distinguer de celle qu'on appelait art, on a pris le mot grec technè qui avait exactement le même sens, pour faire le mot technique. Depuis nous opposons l'art et la technique. L'art est un savoir-faire en partie intransmissible. Dans l'art un sens guide la main (la vue, le toucher, l'ouie, etc.). L'art demande donc des sensations affinées, du flair, de l'intuition, de l'expérience et une part de don. La technique est apparue quand on a pu théoriser totalement le savoir-faire. [...]
[...] Comme dit Heidegger : La centrale n'est pas construite dans le courant du Rhin comme le vieux pont de bois qui depuis des siècles unit une rive à l'autre. C'est bien plutôt le fleuve qui est muré dans la centrale. (La question de la technique in Essais et Conférences p. 22). Enfin, la technique laisse l'homme entièrement libre de décider des fins à poursuivre parce qu'elle n'est la science que des moyens. C'est pourquoi les techniciens parlent souvent de la neutralité de la technique qui, en elle-même, ne serait ni bonne ni mauvaise. Tout dépendrait de l'usage qu'on en fait. [...]
[...] Elle se présente comme un simple mode de production efficace alors qu'elle est une certaine clarté qui nous fait voir le monde d'une certaine façon. Heidegger (1889-1976) a cherché à penser l'essence de la technique. L'essence de la technique n'a rien de technique. C'est un mode de dévoilement du monde et il désigne ce mode de dévoilement du monde qu'opère la technique par le terme d'arraisonnement ( Gestell) : La technique n'est pas seulement un moyen : elle est un mode de dévoilement (ibid. [...]
[...] En cela la technique s'oppose à la sagesse. Toute sagesse veut adapter l'homme au monde. Toute technique veut adapter le monde à l'homme. Bertolt Brecht (1898-1956) déplorait déjà la perte de la sagesse dans notre monde monde d'aujourd'hui ne peut être accepté par les hommes d'aujourd'hui que s'il leur est présenté comme transformable". Si tout devient possible, plus rien n'est préférable à rien. Tout possible vaut un autre possible et il n'y a plus aucune hiérarchie entre les choses. Le monde de la technique fait de la vie un jeu absurde où n'importe quoi peut être transformé en n'importe quoi dans un monde où tout se vaut et où plus rien n'a de sens. [...]
[...] On peut objecter à Marx qu'on ne peut transformer le monde que si d'abord on l'interprète de telle sorte qu'il apparaisse comme transformable La technique comme forme de pensée qui asservit. le nihilisme technocratique On appelle nihilisme le fait de n'avoir plus aucune valeur: un nihiliste ne croit en rien, ne respecte rien, ne trouve du sens à rien (en latin nihil veut dire rien). Il y a un certain nihilisme dans la technique. En voulant tout transformer, tout s'approprier, tout changer, elle ne peut rien respecter. [...]
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