Le mot raison est un terme polysémique (qui a plusieurs sens). Il convient de bien connaître le champ sémantique de ce mot qu'on retrouve dans les expressions, avoir des raisons (avoir des motifs), avoir la raison (avoir la faculté de faire des déductions logiques), avoir raison (être dans le vrai), se faire une raison (se résigner à accepter la réalité), la raison d'Etat (l'injustice commise dans l'intérêt du pouvoir), un mariage de raison (un mariage fondé sur l'intérêt et non sur le sentiment), le livre de raison, nom qu'on donnait au livre de comptes tenu jadis par le chef de famille, et dans les mots ratiociner (faire des raisonnements subtils et de mauvaise foi pour nier l'évidence), un raisonneur (celui qui ratiocine), arraisonner un navire (l'intercepter pour le mettre sous contrôle), raisonner un enfant (lui faire renoncer à un caprice), rationner (limiter à sa juste mesure).
Les sujets de dissertation sur la raison jouent souvent avec ces différents sens : « La raison a-t-elle toujours raison ? », « Le rationnel est-il toujours raisonnable ? », « avoir des raisons, est-ce avoir raison ? », etc.
La raison (du latin ratio) est la transposition latine du logos des Grecs. C'est sous ce nom de logos que la rationalité est apparue à Athènes et le logos s'est constitué en s'opposant à la forme de pensée désignée comme muthos. Muthos vient du verbe "muthéô" qui veut dire parler, raconter. Logos est un mot qui désigne d'abord le langage (on retrouve ce sens dans dialogue, logorrhée, philologie, ou logopathie). Muthos et logos renvoient tous deux au langage. Mais ils qualifient deux types de discours très différents. L'opposition muthos/logos est l'opposition entre le langage de l'expression symbolique et celui de l'explication rationnelle, le langage de la révélation poétique et celui de la démonstration objective, le langage de la compréhension intuitive et celui de l'explication scientifique, le langage de l'imagination créatrice et celui de la pensée logique (...)
[...] Dans le domaine de la connaissance, il s'agit de la raison rationnelle qui pousse jusqu'au bout le principe de non-contradiction. Kant distingue la raison (Vernunft). et l'entendement (Verstand). L'entendement est la faculté de synthèse qui lie des perceptions entre elles pour en faire des connaissances. Par exemple, une règle de l'entendement est que "tous les changements arrivent selon la loi de relation de cause et d'effet". Cette règle permet de savoir, donc de prévoir ce qui va arriver à partir d'une perception. [...]
[...] Pour opérer cette synthèse, la raison produit des Idées. La raison ne donne que des Idées sur lesquelles on peut organiser nos connaissances, sans savoir si à ces Idées ont une réalité objective. Une Idée de la raison est une Idée à laquelle on ne peut faire correspondre aucune intuition. Même si le système n'est qu'une supposition pour organiser les connaissances, la raison ne peut pas se passer du système. Si l'entendement est la faculté des règles, elle est la faculté des principes qu'on doit postuler parce que la raison est exigence de cohérence absolue . [...]
[...] La raison est l'institution d'un certain mode de fonctionnement de l'esprit humain qui met l'ensemble de la pensée au service des valeurs du dialogue. En ce sens la raison est autant un idéal qu'un fait. La raison se manifeste d'abord par l'exercice du langage. La raison, c'est "la faculté de raisonner discursivement, de combiner des concepts et des propositions" (Lalande). Mais la raison n'est pas seulement la faculté de faire des raisonnements et des calculs. C'est aussi l'ensemble des principes directeurs de l'esprit qui permettent une mise en ordre de l'expérience qui autrement serait chaotique et inintelligible. [...]
[...] Sans ce dialogue, il n'y a plus de raison. Hegel pensait qu'on arrivera un jour à ce que tout ce qui est réel est rationnel et tout ce qui est rationnel est réel Mais cet état, ce sera la fin de la Raison et le règne de l'Esprit absolu. La raison agit dans l'histoire, quand elle ne s'est pas encore totalement réalisée. Être vraiment raisonnable, c'est accepter cette division de la raison et savoir impossible la réconciliation de ces deux principes de raison suffisante et de non-contradiction. [...]
[...] Il y a dans la raison l'idée d'une certaine maîtrise de soi. La raison est donc liée à la volonté. La volonté est la faculté par laquelle on s'oppose à soi-même. La volonté permet à chacun d'agir à l'encontre de ses désirs, de sa nature, de ses penchants. Comme mise à distance du sensible et de l'immédiat, l'exercice de la raison requiert l'acte de la volonté. Si par la volonté je peux m'opposer à moi-même, ma volonté n'est pas une faculté à laquelle je peux m'abandonner. [...]
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