Le préambule de la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis dit : « We hold these thruths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness. That to secure these Rights, Governements are instituted among Men ». Un lien subtil se dessine entre les droits, la recherche du bonheur et la politique : en effet, le texte américain stipule que la recherche du bonheur est un droit fondamental de la vie humaine, et que des gouvernements sont instaurés pour garantir ce droit. La politique ne se mêle pas directement du bonheur, mais y entretient un rapport là où elle se doit, à travers les gouvernements, d'assurer le droit de le rechercher. Plutôt que d'y voir un lien immédiat, la politique instaurerait surtout un cadre légitime où le vivre-ensemble permettrait précisément la recherche du bonheur qui, elle, se ferait en dernière instance du seul fait des citoyens. On verrait ainsi une différence entre une politique se fondant sur un consentement commun, et une recherche du bonheur elle relative à chaque individualité : la première ne pourrait s'adapter aux considérations de chacun d'entre nous. La différence est de taille, d'autant plus qu'entre politique et bonheur, l'un a plus trait à la rationalité là où l'autre se situe sous le signe de la subjectivité. Or, lorsqu'un individu ordinaire participe à la politique, il le fait de près ou de loin en fonction de ses propres valeurs : la société qu'il rêve voir instituée s'inscrit dans un « devoir-être » qui rejoint la notion de bonheur, dans la mesure où nous jugeons nos actes politiques comme s'inscrivant dans ce que nous pensons être le « meilleur » pour tous : nous jugeons nos actes politiques comme tendant idéalement vers le Souverain Bien.
Pourquoi peut-on dire que le lien entre politique et bonheur suppose une interaction entre vie privée et vie publique ? Dans quelles mesures une certaine homogénéité des valeurs en société est nécessaire pour que la politique puisse instituer un espace de vie collectif qui laisserait aux personnes la possibilité d'une recherche individuelle et collective du bonheur ? Pourquoi le lien politique-bonheur est-il donc à envisager par transitivité ? (...)
[...] Dire que la politique ne doit pas se mêler du bonheur en soi est un non-sens, car même dans la perspective la plus libérale qui soit, un lien sera toujours tissé. Il reste à comprendre la formation de ce lien, et voir l'articulation entre bonheur relatif et cadre de vie collectif Relativité des conceptions du bonheur et cadre de vie commun en société La politique peut être traditionnellement conçue comme la recherche d'un idéal dans l'instauration d'un espace de vie collectif en société : or, cette instauration passe souvent, mais pas toujours, par la recherche d'un consensus. [...]
[...] En un sens, c'est une menace pour la démocratie, là où de nombreuses personnalités politiques multiplient les promesses à but électoral : elles touchent la subjectivité des gens et non leur raison. Pourtant, nous voyons tout autant des formules politiques telles que : Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays La relation est inversée, là où le premier cas politique tendait à faire penser que celle-ci se devait d'agir directement en vue du bonheur humain On voit ainsi que dès qu'une personne formule un jugement politique, un lien est patent avec la notion de bonheur. [...]
[...] Or, ce lien transitif de la politique au bonheur n'est jamais évident : il suppose une certaine communauté de valeurs entre les personnes, d'où la question de la morale De la morale et des valeurs Un espace de vie commun, incarné dans l'État-nation, n'est possible que si une certaine grille de lecture commune de la société est partagée par un nombre suffisant de ses membres : nous entendons par là que l'on peut avoir de la société une analyse libérale, marxiste, social-démocrate . Or, ces nombreuses grilles de lecture ne peuvent toutes être conciliées : la politique à mener pour un libéral n'est pas la politique à mener d'un marxiste. De ce fait, et selon les conceptions qui prévalent (quelle grille de lecture devient dominante ? [...]
[...] Il y a autant de conceptions du bonheur qu'il y a d'individus, d'autant plus que le bonheur n'est en général pas un état stable, constant, mais une recherche continue de l'individu pour y tendre : chacun de nos actes, chez Aristote, tend au Souverain Bien. En ce sens, nos jugements et actes politiques tendraient eux aussi à la recherche d'un bonheur, qu'il soit individuel ou collectif. Cependant, c'est la politique elle-même qui n'a pas à se mêler du bonheur : elle instaure un espace commun de vie et de discussion qui s'applique à tous (institutions, justice, organisation de la vie en société) mais qui ne doit ni ne peut s'adapter à chaque individualité. [...]
[...] Or, c'est bien la thématique de l'État- providence, qui se posait déjà depuis Beveridge, mais surtout depuis l'après-guerre : la politique doit-elle confier à l'État des domaines de compétences variés pour assurer le bien-être de ses citoyens ? Pour beaucoup, un système de soins national est la condition préalable à la recherche du bonheur la santé est la base de tout, la politique doit donc s'en charger : une nouvelle fois, la politique s'y mêle par transitivité. Néanmoins, ce lien suppose, en chaque cas, le partage d'une certaine communauté de valeurs Cette communauté de valeurs est un point central de la pensée d'Ernest Renan sur l'idée de nation. [...]
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