Il ne s'agit pas de savoir si nous pouvons être tolérant en général mais si nous pouvons tolérer toutes les opinions, absolument et sans limites. Certaines opinions semblent intolérables (l'opinion raciste, sexiste, etc) Mais ne pas en tolérer certaines c'est ne plus être tolérant, puisque par définition la tolérance concerne précisément les idées avec lesquelles je ne suis pas en accord.
Il s'agit donc de savoir si la tolérance n'est pas un concept contradictoire : est-ce logiquement possible de tolérer tout, et est-ce moralement acceptable ? Ce sont les deux dimensions que nous devons examiner. La question prend son sens uniquement relativement à “ l'opinion ” c'est à dire un registre du discours où nous avons affaire à des idées rapidement énoncées, peu ou mal pensées, mais qui revendiquent toujours la tolérance de l'interlocuteur.
[...] Pourtant cette position théoriquement justifiée est, ne serait-ce que sur un plan pratique, problématique. Car certaines opinions nous paraissent intolérables : l'appel au meurtre, le racisme, etc. Peut-on tolérer l'intolérable ? Il s'agit de mettre les principes à l'épreuve de la réalité mais également vérifier les fondements théoriques de la tolérance absolue. La tolérance comme impasse Ce qui se présente comme l'évidence du bon sens démocratique ne résiste pas à l'épreuve d'un examen réel. La tolérance aboutit en réalité à une impasse. [...]
[...] C'est plutôt le tolérant qui lui, se contredit. Ne pas tolérer une opinion n'est légitime que si on lui oppose une conviction. Il faut restituer aux idées leur sens et cesser de déformer ce mot de tolérance qui à l'origine, s'applique à une idée que nous acceptons exceptionnellement bien que nous ne soyons pas en accord avec elle, et non à toutes les idées quelles qu'elles soient, sans aucun examen préalable, comme si c'était a priori un principe de discussion. [...]
[...] Ensuite il faut distinguer entre le droit à l'opinion et la valeur des opinions émises. L'opinion n'a aucune valeur. Je n'ai donc aucune obligation de la tolérer, même si je lui reconnais le droit à se dire. Distinguer également entre le respect et l'acceptation. Je peux respecter une opinion ou la personne qui l'émet sans pour autant l'accepter comme une opinion honorable et défendable C'est-à-dire que je peux très bien respecter mais combattre cette opinion. Enfin je dois distinguer entre la personne et ses opinions. [...]
[...] Après avoir examiné ces différentes impasses nous devons en conclure que l'opinion, lorsqu'elle en appelle à la tolérance, relève davantage du chantage et de l'intimidation que de n'importe quel autre argument réellement pensé. C'est d'ailleurs ce mode d'être qui caractérise l'opinion. Pourtant elle revendique d'être entendue, et s'appuie sur le sens commun de l'exigence démocratique. Que répondre alors aux objections du démocrate ? Réponse aux objections Tolérer tout c'est ne rien penser, renoncer à exercer son jugement critique et s'enfermer soi-même dans l'opinion. Car l'opinion gagne alors, en imposant son relativisme (rien n'est vrai, rien n'engage, tout peut se dire.). [...]
[...] Il n'y a pas contradiction entre la démocratie et le refus de certaines opinions, car il ne s'agit pas tant d'interdire une opinion que de la combattre, avec la force de mes convictions c'est-à- dire de mes arguments. C'est le démocrate qui est dans une impasse, car tolérer tout c'est se renier (individuellement) et se condamner (collectivement). Conclusion La tolérance est un terme vide qui camoufle trop souvent la démission, la lâcheté, justifiée par une mode consensuelle (le relativisme) qui met à égalité toutes les idées parce qu'elle les vide de leur contenu et de leurs enjeux, jusqu'à nier l'idée même de vérité. [...]
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