Oubli, déficience de la mémoire, mémoire oublieuse, mémoire tautologique, mémoire collective, Platon, mythe de Theuth, Nietzsche, dépassement de la douleur, vie psychique, refoulement, remémoration, Blaise Pascal
La mémoire oublieuse est une expression paradoxale puisque la mémoire n'est pas simplement apposée à l'oubli ; elle n'est pas pensée avec l'oubli, mais comme oubli. Or on pense d'abord l'oubli comme le revers de la mémoire, la mémoire étant la double faculté de conservation et de rappel des états de conscience passés et ce qui s'y trouve associé. Pour autant, la mémoire sélective indique bien que l'oubli fait partie de la mémoire qui ne conserve que ce qui l'intéresse. Il semble que le prix à payer du souvenir soit justement l'oubli. Il convient donc d'abord de se demander si cette expression qui pose problème "mémoire oublieuse" est paradoxale ou bien tautologique.
[...] En ce sens, la mémoire n'est jamais totalement oublieuse et l'oubli n'est pas une déficience de la mémoire. Problème 2 (autre raison pour admettre que l'oubli n'est pas une déficience de mémoire) : une telle évidence repose sur une conception critiquable de la mémoire qui lui attribue une portée objective, l'oubli est une déficience pour la mémoire si l'on considère qu'elle doit répondre à une fonction épistémologique. Cependant, nous pouvons inverser cette hiérarchie et considérer en terme nietzschéen que l'oubli est la plus haute activité de la volonté de puissance. [...]
[...] S'il y a un plaisir à oublier, un tel plaisir est paradoxalement possible par une activité de remémoration. La mémoire devient condition du plaisir de l'oubli. Dans ce cas, le plaisir de remémoration tient au fait que l'on se souvient du passé pour oublier le présent, mais surtout le futur. Derrière la remémoration du passé c'est-à-dire la lutte contre l'oubli, se cache en réalité un effort de notre part pour oublier le présent et notre finitude. C'est la thèse que défend Pascal au fragment 139 des Pensées, le concept de divertissement explique la raison pour laquelle nous voulons par ex multiplier les musées. [...]
[...] Néanmoins une telle affirmation repose sur une certaine conception de la mémoire comme vie psychique. Problème : c'est peut-être aussi parce qu'elle a une étoffe historique que la mémoire peut avoir intérêt à être oublieuse dans ce cas il faut étudier la mémoire oublieuse comme naturellement oublieuse ou volontairement oublieuse. À propos de la mémoire collective, il faut établir une distinction conceptuelle entre les processus « naturels » de l'oubli collectif (érosion des souvenirs) et les tentatives politiques d'oblitérer une partie du passé. [...]
[...] L'oubli n'est pas la vocation évidente de la mémoire. Si elle peut être dite conservatrice ou même fixatrice, elle ne peut pas être qualifiée d'oublieuse. L'oubli, comme processus progressif ou spontané qui fait que l'individu ne peut se rappeler les souvenirs qu'il avait enregistré, semble être ce dont la mémoire n'est pas capable, il est son revers. Alors que la mémoire se pense par le gain, par la collection de souvenirs, l'oubli se dit de la perte, les deux termes semblent incompatibles. [...]
[...] L'oubli est-il le signe d'une déficience de la mémoire ? La mémoire oublieuse est une expression paradoxale puisque la mémoire n'est pas simplement apposée à l'oubli ; elle n'est pas pensée avec l'oubli, mais comme oubli. Or on pense d'abord l'oubli comme le revers de la mémoire, la mémoire étant la double faculté de conservation et de rappel des états de conscience passés et ce qui s'y trouve associé. Pour autant, la mémoire sélective indique bien que l'oubli fait partie de la mémoire qui ne conserve que ce qui l'intéresse. [...]
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