Nature et technique, revendication morale, volonté humaine, sciences, déterminisme naturel, ambition, matérialisme, intelligence, pouvoir de décision, normes, humanité
La nature est un concept dont l'usage est devenu flou ou qui dissimule une revendication morale. En effet, on désigne couramment comme naturel ce qui n'est pas artificiel, soit ce qui n'a pas été transformé par la volonté et les mains de l'homme. La nature c'est alors ce qui est resté vierge ou pur ou brut, non modifié, non utilisé. Par opposition à l'artificiel, le naturel est ce qui n'a pas une origine extérieure, ce qui n'a pas été créé ou fabriqué par l'homme, mais qui lui à lui-même sa propre origine. La nature est alors autonome, elle est à la base de ses propres lois, de ses propres normes (on l'a souvent et longtemps assimilé à Dieu).
[...] On comprend pourquoi, en des temps où la technique et la technologie mises au service des désirs des hommes et plus seulement de leurs besoins, où l'homme devient un être de pouvoir et de puissance, les valeurs naturelles ressurgissent avec force : il s'agit de faire ressouvenir à l'homme qu'il ne peut pas échapper totalement à la nature et qu'il est faux de poser absolument qu'il faut sortir de la nature. En effet, si la nature est bonne, pourquoi s'y opposer ? Ne nous montre-t-elle pas des normes qui peuvent valoir aussi pour nous et pour notre bien ? La meilleure manière de préserver l'humanité, n'est-ce pas de retrouver une place à l'homme au cœur de la nature et de lui apprendre à l'écouter et à la respecter ? [...]
[...] En effet, la nature ne choisit pas tout pour lui. Au contraire, l'homme a la faculté tout à fait particulière et géniale de vouloir par lui-même, soit avoir la possibilité propre de choisir et de décider. La nature a donné à l'homme non seulement la capacité de choisir et de vouloir, mais aussi celle de réfléchir, c'est-à-dire l'intelligence. Muni de ces outils , l'homme peut devenir indépendant de la nature, se distinguer d'elle, décider de son activité, faire des projets et donc devenir maître de son avenir. [...]
[...] Les normes culturelles, bien que contingentes, sont aussi proprement humaines et l'homme s'y reconnaît souvent plus que dans les normes naturelles qui sont communes aux animaux. La culture peut alors devenir une force qui s'émancipe de la nature et vient même s'y opposer. La culture peut faire oublier la nature, la recouvrir ou la condamner comme mauvaise parce que primitive. On voit ici la possibilité d'abus et d'erreurs : celle d'abord d'oublier la nature et de se retourner contre elle, celle ensuite de classifier les cultures selon leur proximité de la nature c'est-à-dire leur primitivisme et d'évoquer la supériorité de certaines sur d'autres. [...]
[...] Mais qui décide de ce qu'est la nature, de ce qu'elle vaut ? N'est-elle pas, dans sa passivité, ouverture à toutes les interprétations possibles ? Des valeurs religieuses, humanistes et universelles, sont aussi très controversées. C'est certainement la réflexion et le dialogue, l'ouverture à la variété et à la diversité des pensées, qui doit permettre d'éviter malheur et néant, au-delà de tous les dogmatismes. [...]
[...] Les comités éthiques sur les manipulations génétiques, sur la puissance du matérialisme techniciste, sur le pouvoir des images et des mondes virtuels, sur ce qui doit fonder les liens sociaux et familiaux, sur le rôle de l'école, sont autant de tentatives pour redonner des fondements à l'humain au-delà de la société. Doit-on laisser la science et la technique suivre leurs cours ? Faut-il mesurer et contrôler le progrès ? Au nom de quelles valeurs ou de quelles normes ? La nature peut ici en être une. [...]
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