Quelle vérité « culturelle » accorder à ces propos, prononcés par Napoléon - celui qui signerait le Concordat - au cours de sa fameuse allocution du 5 juillet 1800 aux prêtres de Milan ? Pratiquement aucune si l'on s'attache à décrire le modèle de laïcité en France, ou, du moins, aucune autre que celle qui lui permit de rallier le soutien de Pie VII, car, en réalité, l'expérience française, parachevée par l'adoption de la loi de Séparation de l'Etat et des Eglises du 9 décembre 1905, avait alors déjà profondément renversé l'idée selon laquelle la religion devait être la boussole ou, plus exactement, le ciment de la société (...)
[...] Ces deux spécificités sont la résultante de l'impact de facteurs spécifiquement nationaux sur la dynamique de sécularisation préalablement décrite. En premier lieu, la révolution française concrétise de façon très exceptionnelle le mythe de la religion civile et de la volonté générale culte de la raison, culte de la République, etc. et teinte profondément la sécularisation française d'anticléricalisme ce qui l'éloigne de la neutralité. En second lieu, le modèle de laïcité française se cristallise dans un projet politique qui le dépasse et l'englobe, celui du Républicanisme. [...]
[...] Ce modèle de développement séparé et autonome des confessions dans la sphère publique aboutit à une vue communautarisée du social qui s'oppose directement à la laïcité française unité et privatisation des confessions. - L'Allemagne : la tradition multiconfessionnelle est un héritage du statu quo instauré par le Traité de Westphalie (1648) entre les Etats protestants et catholiques de l'Empire - brisé par napoléon et la Révolution française. La liberté religieuse fut établie dès la Constitution de 1848 mais la réalisation de l'unité allemande accentua les tensions entre protestants et catholiques - minoritaires en raison de la non inclusion de l'Autriche catholique, et objets d'une politique hostile de Bismarck. [...]
[...] La religion civile de la citoyenneté - Rousseau, Livre 4 chap du Contrat Social : Il faut une croyance commune civile et non plus religieuse pour faire tenir les hommes ensemble en société. Cette conception est celle qui sous-tend le modèle de la volonté générale, très présent dans l'expérience républicaine française et tout aussi présente, dans sa version totalitaire, dans l'expérience de la révolution française puis du léninisme-stalinisme elle s'y substitue au capitalisme absent, en projetant les croyances sur terre II) Les spécificités des modèles de sécularisation : séparation ou non de l'Etat et des Eglises, neutralité ou non de l'Etat Sur la base de cet héritage commun, les différentes expériences de sécularisation se cristallisent dans des modèles qui procèdent de choix politiques. [...]
[...] Mais l'ouverture du pays à 5 l'immigration, concomitante du développement économique, implique des réajustements du modèle, vers une conception pluraliste. - Israël : fondé pour être l'Etat juif, la situation d'Israël est aujourd'hui complexe. La liberté de conscience et de culte est assurée, bien que la judaïté demeure la condition de l'obtention de la nationalité pour tout étranger. L'état civil est régi par la loi religieuse, y compris pour les citoyens non-juifs, la religion des citoyens est mentionnée sur leur carte d'identité, les mariages sur le territoire national doivent en principe être effectués devant des rabbins orthodoxes et le divorce, qui peut être demandé par les femmes comme par les hommes, doit l'être devant une autorité religieuse - sauf pour les étrangers résidents ce qui, selon la tradition, autorise l'époux à refuser le divorce. [...]
[...] Ce sujet fait à la fois actualité et polémique, et se cristallise en France autour de l'institution scolaire partout l'école est au centre du mouvement de sécularisation pilier d'un modèle républicain chahuté. Or, ce débat doit être élargi, au regard d'une pluralité d'expériences nationales qui sont aujourd'hui remises en cause, en témoignent les événements surgis comme des bâtons dans les roues des locomotives françaises, hollandaises, et même britanniques, là où l'on pensait la sécularisation profondément ancrée. Ce mouvement nous oblige à penser les problématiques de sécularisation spatialement, avec cette idée que la profondeur variée des crises, ainsi que les réponses nationales à ces remises en question reflètent des modèles différents, sous-tendus par des philosophies différentes. [...]
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