Le devoir et le bonheur

Résumé du document

Les relations qu'entretiennent les intellectuels et les philosophes avec la notion de Bonheur sont complexes et évolutives. Le bonheur est difficile à définir pour les philosophes qui aiment les classifications nettes et tranchées qui ne correspondent pas à la saisie de cette notion particulière qu'est le bonheur.

Ce qui apparaît clairement à propos du bonheur, c'est qu'une part nous revient et qu'une part nous est imposée par la vie, voilà pourquoi les maximes de la prudence ne peuvent, selon Kant, que donner des conseils. La part qui nous revient, c'est la prudence qui nous la donne, encore que le mot « prudence » est, de nos jours, connoté de façon telle qu'il comprend l'idée d'une forme de réticence à la vie, un côté timoré qui ne convient pas complètement au bonheur. Nous parlerons donc plutôt de sagesse. C'est la sagesse qui permet le bonheur dans la part qui revient à chacun, cette sagesse qui comporte sa dose de passion et de folie, qui fait que le bonheur n'est pas que tranquillité, calme et tiédeur, même s'il est souvent cela.

Extraits

[...] Il s'agit non seulement de ne pas répondre à ceux qui nous font du mal par le mal, mais de les aimer et de leur faire du bien. Il s'agit non seulement de ne pas prendre à ceux qui nous prennent quelque chose, mais de leur donner de surcroît. Il est bien évident que le bonheur, du moins dans son acception courante, comme état de plénitude intérieure, n'est plus du tout une motivation, car il n'est pas une promesse dans ce message christique, où il s'agit d'agir de telle sorte que la nature se transcende complètement. [...]

[...] Si un débat opposa les philosophes antiques sur la prééminence principielle de la vertu ou du plaisir en ce qui concerne le bonheur, en ce qui concerne la pratique et les résultats de cette pratique il y eut, au contraire, un consensus évident : l'homme qui veut parvenir au bonheur doit se plier à une discipline personnelle faite d'ascèses diverses, devant lui permettre de parvenir à la maîtrise de soi. Certes, cette ascèse n'a pas le même sens pour l'épicurien que pour les autres philosophes. Pour l'épicurien, l'ascèse n'est rien d'autre que la purification du plaisir, qui doit apprendre à retrouver ses saines limites. [...]

[...] Chercher le bonheur ne sembla plus une préoccupation digne de l'homme, du moins dans son rapport à l'universel. Elle apparut comme trop personnelle, pour intéresser autre chose que l'individu dans sa vie intime et personnelle. La sublimité du devoir et du sacrifice semble avoir radicalement terni la notion de bonheur. La recherche du bonheur et l'exigence morale apparurent désormais comme radicalement opposées, alors que le bonheur était, dans sa relation à la vertu, l'objet même de l'éthique dans l'Antiquité, une éthique de la vertu personnelle, une exigence de perfection et une maîtrise de soi. [...]

[...] Si rien ne peut le troubler, c'est qu'il est maître de ses pensées, et plus particulièrement de cette partie du mental qui peut le conduire aux souffrances psychiques :l'imagination liée à la conscience temporelle. Le sage n'a en effet aucun regret, n'a pas peur de l'avenir, ne craint ni la mort, ni les souffrances inhérentes à la vie. D'une parfaite égalité d'âme, le sage sait jouir de la vie, sans rien perdre de sa dignité ou de sa maîtrise, tout comme il supporte sans faiblesse les difficultés devant lesquelles les autres s'effondrent. Sa force vient de ce quant-à-soi qui le caractérise. [...]

[...] Prendre soin de son bonheur ne pourrait donc être un devoir. Si c'en est un, c'est parce que travailler véritablement à son bonheur est exigeant et que les hommes suivent bien souvent plus volontiers leurs inclinations momentanées que leur raison, et finalement concourent souvent à leur propre malheur, ce qui les distingue du sage. Le premier exemple, celui de la tentation suicidaire, et le deuxième exemple, celui de la personne trompeuse font beaucoup plus débat. Ils n'ont pas cette évidence, à laquelle Kant croit dans l'illustration de l'immoralité. [...]