Après avoir montré que Dieu n'est pas trompeur et donc assuré la vérité de mes idées claires et distinctes au-delà de leur actualité, après donc avoir montré qu'une science absolue est désormais possible, l'erreur devient incompréhensible. Comment se fait-il que je me trompe ? D'où viennent mes erreurs ? Il faut bien qu'elles viennent non pas de Dieu mais de moi-même. Il apparaît alors que ce qui en moi est cause de l'erreur, ce n'est rien d'autre que ma volonté, puisque se tromper, c'est mal juger, énoncer un jugement faux. Mais une difficulté nouvelle apparaît alors, comment comprendre que je puisse me tromper si je ne le veux d'aucune manière ? C'est à ce problème de l'erreur que l'article 42 des Principes est consacré, et Descartes l'expose dans les termes d'un paradoxe : comment en effet rendre compte de l'existence de l'erreur si celle-ci vient d'un jugement et donc issue de la volonté et si je n'ai pas la volonté de me tromper ? C'est au fond une distinction conceptuelle du terme de volonté et une détermination de ce qui "veut" dans la volonté qui se trompe qui permettra de réduire les termes du paradoxe.
(...) Efforçons-nous d'abord de comprendre pourquoi l'erreur dépend de la volonté. Descartes peut dire que nous savons que l'erreur dépend de la volonté car il a établi plus haut dans les Principes son rôle dans le jugement. En effet, c'est elle qui juge dans le jugement. Juger, c'est affirmer ou nier une idée présentée par l'entendement, et c'est par l'action de la volonté que l'on affirme ou que l'on nie. L'erreur résulte du jugement, dans la mesure où une idée, en tant que telle, n'est ni vraie ni fausse, l'idée de la licorne n'est ni vraie ni fausse. Ce qui est faux ou vrai, c'est d'affirmer qu'elle n'existe pas ou qu'elle existe. En d'autres termes encore, l'erreur n'est pas du coté de l'entendement, pris en lui-même, parce qu'aucune idée comme mode de mon esprit ne saurait être en elle-même vraie ou fausse. "Lorsque nous apercevons quelque chose, nous ne sommes pas en danger de nous méprendre si nous n'en jugeons en aucune façon" écrit Descartes. De sorte que l'erreur résulte du fait que l'on a donné son assentiment à des idées qui ne sont pas claires et distinctes, l'erreur résulte donc de l'affirmation de la volonté d'une idée que l'entendement ne voit pas bien (...)
[...] L'enfant ne connaît pas d'autre mode de fonctionnement de l'entendement que soumis à l'imagination et à la sensibilité, affirmant sans autre critique, ce que ces sens ou son imagination lui présentent. Ayant pris cette habitude, il aura ensuite tendance à donner son assentiment à tous ce qui se présente. Nous avons par exemple pris l'habitude de juger en fonction non pas de ce qui est vrai en soi, mais de ce qui nous nous est utile ou de ce qui nous semble bon. Ainsi, je crois que la pomme est bonne parce que je la veux. [...]
[...] Mais si personne n'a la volonté de se tromper, c'est que la volonté n'est pas en soi mauvaise. Et pourtant c'est par elle que je me trompe. Le paradoxe réside au fond dans cette question : comment la volonté peut être bonne et cause de l'erreur? Comment comprendre que ce soit par la volonté que je me trompe et que pourtant elle ne soit pas mauvaise, c'est-à-dire que personne ne fasse le choix de l'erreur, que l'erreur ne soit pas l'objet de l'élection de la volonté? [...]
[...] Descartes peut dire que nous savons que l'erreur dépend de la volonté car il a établi plus haut dans les Principes son rôle dans le jugement. En effet, c'est elle qui juge dans le jugement. Juger, c'est affirmer ou nier une idée présentée par l'entendement, et c'est par l'action de la volonté que l'on affirme ou que l'on nie. L'erreur résulte du jugement, dans la mesure où une idée, en tant que telle, n'est ni vraie ni fausse, l'idée de la licorne n'est ni vraie ni fausse. [...]
[...] Descartes, supposant une volonté bonne, qui ne veut pas se tromper, et dont pourtant l'erreur dépend, se doit d'expliquer ce paradoxe. Il peut s'éclairer si l'on sait bien de quelle volonté on parle lorsqu'on la dit source de l'erreur. Les termes du problème peuvent se résoudre si d'abord on fait attention à ceci que vouloir être trompé n'équivaut pas à vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Eclairons cette différence. Il ne s'agit pas de dire que l'on veut dans l'erreur être trompé : en soi, la volonté ne veut pas l'erreur. [...]
[...] Aussi on peut comprendre comment l'on peut à la fois ne pas vouloir l'erreur et pourtant se tromper par l'action de la volonté. Mais comment peut-on vouloir donner son consentement à des opinions non réfléchies qui ont cause que l'on se trompe si la volonté ne veut pas l'erreur? Lorsque l'idée est claire et distincte, la question de la volonté ne se pose pas, puisque comme le dit Descartes, dans une lettre à Mersenne du 16 octobre 1639, la vérité est une notion si transcendentalement claire qu'il est impossible de l'ignorer. [...]
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