« Pour les anciens - à l'exception des stoïciens - l'homme est un être social, la nature est un ordre, et ce qu'on peut apercevoir, au-delà des conventions de chaque polis particulière, comme constituant, la base idéale ou naturelle du droit, est un ordre social en conformité avec l'ordre de la nature (et par suite avec les qualités inhérentes aux hommes). Pour les modernes, sous l'influence de l'individualisme chrétien et stoïcien, ce qu'on appelle le droit naturel (par opposition au droit positif) ne traite pas d'êtres sociaux mais d'individus, c'est-à-dire d'hommes dont, chacun se suffit à lui-même en tant que fait à l'image de Dieu et en tant que dépositaire de la raison. » Louis Dumont, dans cet extrait de Essais sur l'individualisme, rappelle que le cosmopolitisme repose sur l'affirmation de l'unité du genre humain.
Sommaire
Introduction
I) Le cosmopolitisme, s'appuyant sur la conviction qu'au-delà de la variété des appartenances collectives l'humanité forme un tout, constitue traditionnellement moins un programme politique qu'un idéal de sagesse, ou un mode de vie pour happy few
A. Au-delà de la diversité des nations, des cultures et des croyances, le cosmopolitisme repose sur l'affirmation de l'unicité du genre humain 1. Titulaires du logos ou animés du souffle divin, les hommes font partie, pour les stoïques comme pour les chrétiens, de la même famille 2. Pour la philosophie des Lumières, la raison constitue le dénominateur commun laïcisé de l'humanité
B. Le cosmopolitisme n'a pas réellement trouvé dans le passé de traductions politiques concrètes, et a davantage constitué un idéal de sagesse pour l'individu soucieux de ne pas se laisser aveugler par les solidarités identitaires, ou un mode de vie pour les élites intellectuelles 1. Doctrine créée par des individus en rupture de ban avec la cité, le cosmopolitisme constitue souvent une affirmation négative : celle du refus des appartenances collectives, ou tout du moins d'une prise de distance avec les identités héritées 2. Le cosmopolitisme est une citoyenneté peu exigeante, sans implication politique directe, s'accommodant d'autres appartenances concurrentes, et qui s'apparente davantage à une posture individuelle
II) Le cosmopolitisme, qui rencontre un écho renouvelé en raison de la mondialisation, est désormais conçu comme une exigence morale de tolérance et d'ouverture et comme une injonction au respect de la diversité...
A. La mondialisation actuelle n'est pas sans rappeler, par une sorte de coïncidence historique, certains traits des époques impériales pendant lesquelles l'idéal cosmopolite s'est autrefois développé 1. La mondialisation permet, comme à l'époque hellénistique, de multiplier les contacts entre les peuples 2. Comme sous l'Empire romain, le monde est aujourd'hui assimilable à un village planétaire où les nations joueraient un rôle amoindri
B. Le cosmopolitisme est parfois rêvé comme un remède aux nationalismes, et oppose aux identités particulières, perçues comme dangereuses, le fantasme d'une nouvelle tolérance 1. Sur la foi d'expériences historiques magnifiées, le cosmopolitisme est érigé en modèle idéal de coexistence des différentes cultures 2. Le cosmopolitisme est présenté de nos jours comme l'antidote à la guerre des civilisations et aux heurts entre communautés et nationalismes
III) ... au risque d'ailleurs de se confondre avec un mondialisme dédaigneux des identités particulières, menaçant pour la diversité des cultures nationales, et par conséquent d'alimenter en retour les réactions identitaires
A. Le cosmopolitisme laisse craindre un appauvrissement de la diversité culturelle, et n'est vraiment fécond que s'il repose sur un ancrage préalable 1. Le cosmopolitisme, s'il s'est insuffisamment respectueux des identités, risque d'appauvrir le patrimoine culturel de l'humanité 2. Le mondialisme, loin d'enrichir les cultures, les réduit à une indigeste « bouillie babélienne ». 3. Un ancrage préalable dans sa propre culture est par conséquent nécessaire avant de s'ouvrir vers l'universel
B. Le cosmopolitisme doit rester un idéal individuel et risque, s'il devient une nécessité imposée, d'apparaître comme le faux-nez de l'impérialisme, et de provoquer des réactions identitaires en faisant trop peu de cas des cultures nationales 1. Le cosmopolitisme est un idéal, qui ne doit pas conduire à mépriser les identités nationales, au risque d'alimenter les crispations identitaires 2. La nation demeure l'espace privilégié de la citoyenneté 3. La nation est également l'espace privilégié de la solidarité
Conclusion
Introduction
I) Le cosmopolitisme, s'appuyant sur la conviction qu'au-delà de la variété des appartenances collectives l'humanité forme un tout, constitue traditionnellement moins un programme politique qu'un idéal de sagesse, ou un mode de vie pour happy few
A. Au-delà de la diversité des nations, des cultures et des croyances, le cosmopolitisme repose sur l'affirmation de l'unicité du genre humain 1. Titulaires du logos ou animés du souffle divin, les hommes font partie, pour les stoïques comme pour les chrétiens, de la même famille 2. Pour la philosophie des Lumières, la raison constitue le dénominateur commun laïcisé de l'humanité
B. Le cosmopolitisme n'a pas réellement trouvé dans le passé de traductions politiques concrètes, et a davantage constitué un idéal de sagesse pour l'individu soucieux de ne pas se laisser aveugler par les solidarités identitaires, ou un mode de vie pour les élites intellectuelles 1. Doctrine créée par des individus en rupture de ban avec la cité, le cosmopolitisme constitue souvent une affirmation négative : celle du refus des appartenances collectives, ou tout du moins d'une prise de distance avec les identités héritées 2. Le cosmopolitisme est une citoyenneté peu exigeante, sans implication politique directe, s'accommodant d'autres appartenances concurrentes, et qui s'apparente davantage à une posture individuelle
II) Le cosmopolitisme, qui rencontre un écho renouvelé en raison de la mondialisation, est désormais conçu comme une exigence morale de tolérance et d'ouverture et comme une injonction au respect de la diversité...
A. La mondialisation actuelle n'est pas sans rappeler, par une sorte de coïncidence historique, certains traits des époques impériales pendant lesquelles l'idéal cosmopolite s'est autrefois développé 1. La mondialisation permet, comme à l'époque hellénistique, de multiplier les contacts entre les peuples 2. Comme sous l'Empire romain, le monde est aujourd'hui assimilable à un village planétaire où les nations joueraient un rôle amoindri
B. Le cosmopolitisme est parfois rêvé comme un remède aux nationalismes, et oppose aux identités particulières, perçues comme dangereuses, le fantasme d'une nouvelle tolérance 1. Sur la foi d'expériences historiques magnifiées, le cosmopolitisme est érigé en modèle idéal de coexistence des différentes cultures 2. Le cosmopolitisme est présenté de nos jours comme l'antidote à la guerre des civilisations et aux heurts entre communautés et nationalismes
III) ... au risque d'ailleurs de se confondre avec un mondialisme dédaigneux des identités particulières, menaçant pour la diversité des cultures nationales, et par conséquent d'alimenter en retour les réactions identitaires
A. Le cosmopolitisme laisse craindre un appauvrissement de la diversité culturelle, et n'est vraiment fécond que s'il repose sur un ancrage préalable 1. Le cosmopolitisme, s'il s'est insuffisamment respectueux des identités, risque d'appauvrir le patrimoine culturel de l'humanité 2. Le mondialisme, loin d'enrichir les cultures, les réduit à une indigeste « bouillie babélienne ». 3. Un ancrage préalable dans sa propre culture est par conséquent nécessaire avant de s'ouvrir vers l'universel
B. Le cosmopolitisme doit rester un idéal individuel et risque, s'il devient une nécessité imposée, d'apparaître comme le faux-nez de l'impérialisme, et de provoquer des réactions identitaires en faisant trop peu de cas des cultures nationales 1. Le cosmopolitisme est un idéal, qui ne doit pas conduire à mépriser les identités nationales, au risque d'alimenter les crispations identitaires 2. La nation demeure l'espace privilégié de la citoyenneté 3. La nation est également l'espace privilégié de la solidarité
Conclusion
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Extraits
[...] Je les précède. B. Le cosmopolitisme n'a pas réellement trouvé dans le passé de traductions politiques concrètes, et a davantage constitué un idéal de sagesse pour l'individu soucieux de ne pas se laisser aveugler par les solidarités identitaires, ou un mode de vie pour les élites intellectuelles Doctrine créée par des individus en rupture de ban avec la cité, le cosmopolitisme constitue souvent une affirmation négative: celle du refus des appartenances collectives, ou tout du moins d'une prise de distance avec les identités héritées. [...]
[...] La citoyenneté désigne, au sens étroit du terme, un statut juridique. Le citoyen est titulaire de droits et, en contrepartie, assujetti à un certain nombre de devoirs. Ainsi, par rapport à un résident étranger, le citoyen jouit du droit de vote, mais peut être contraint d'acquitter ses obligations militaires[1]. Par ailleurs, la citoyenneté désigne le comportement de celui qui participe à la vie des institutions politiques. C'est à ce titre que certains dénoncent la progression de comportements apathiques dans les sociétés démocratiques occidentales où l'individu, conformément aux analyses de Tocqueville, serait enclin à déserter l'espace public et à se replier sur la petite société qu'il s'est créée à son usage Autrement dit, la citoyenneté a un contenu concret et constitue une notion exigeante. [...]
[...] Les représentants des différents peuples de l'Empire occupèrent les magistratures les plus prestigieuses, et les différentes dynasties des empereurs témoignèrent de cette intégration puisque les Antonins étaient d'origine espagnole, les Sévères en provenance des provinces africaines, etc. C'est l'édit de Caracalla qui étendit la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l'Empire (212). Caracalla lui-même était né à Lyon, d'un père africain et d'une mère originaire de Syrie. Cet édit témoigne d'une évolution progressive vers l'intégration des différents territoires sur lesquels Rome avait étendu son autorité, et l'immensité de l'Empire rendait pour les citoyens de cette époque l'identification entre le monde et leur communauté politique assez naturelle, encourageant l'idéal cosmopolite. [...]
[...] Au-delà de la diversité des nations, des cultures et des croyances, le cosmopolitisme repose sur l'affirmation de l'unicité du genre humain Titulaires du logos ou animés du souffle divin, les hommes font partie, pour les stoïques comme pour les chrétiens, de la même famille. Le stoïcisme est né au cours de la période hellénistique. On attribue en général sa création à Zénon (336-264 avant notre ère). Son retentissement a cependant largement dépassé le monde grec et le troisième siècle avant Jésus-Christ. Cette philosophie a particulièrement influencé les Romains, Sénèque en est l'exemple emblématique. Les premiers chrétiens, dont saint Paul, ont également été marqués par l'héritage stoïcien. [...]
[...] Pour Fichte, toute culture nationale doit avoir pour visée de s'étendre au genre humain. Cette culture est donc un point de départ et non une fin en soi, et sera dépassée à travers la confrontation avec les autres cultures nationales. Dans cet effort vers l'universel, notre perception du genre humain prend appui sur notre culture nationale, dont il serait illusoire, comme pour la colombe de Kant, de vouloir s'abstraire. Ainsi, même les populations expatriées, frottées aux cultures étrangères, n'oublient pas leur culture d'origine. [...]